Depuis la fin du mois de janvier le destin électoral promis au chef du PVV s’était fait certes moins radieux (cf. TNS NIPO, 17 janvier 2017 [1]). Quelques jours avant le scrutin il était même donné perdant (de peu) face au parti du Premier ministre (cf. par exemple Peil, 12 mars 2017, VVD : 16%, PVV : 15% ; I&O Research, 13 mars 2017, en sièges VVD : 24, PVV : 20 [2]. Il continuait néanmoins à croire en ses chances, toujours enivré, peut-être, par les vapeurs persistantes des sondages qui le créditaient 8 mois plus tôt de 25% des voix et de 37 sièges, contre 15% et 23 sièges au VVD (Peil, 8 mai 2016).
Dans la novlangue des sondeurs la nette défaite de Geert Wilders, associée à la chronique de sa victoire annoncée, des mois durant, et rapportée au Brexit, à la présidentielle américaine, aux primaires de la droite et de la gauche en France pourrait s’apparenter à une « dynamique » de l’échec. Nous nous contenterons d’y voir une confirmation du « peu » de clairvoyance de la profession.
Absorbée par la campagne présidentielle bombardée quotidiennement de sondages, la presse française, toujours aussi émoustillée par le yoyo des chiffres et les scores du FN, n’a pas bronché face aux performances des sondeurs néerlandais. Si ce n’est comme la majorité de la presse européenne pour se réjouir de la défaite de l’extrême droite. La libre Belgique s’est pourtant risquée à poser la question : « Elections aux Pays-Bas, encore une défaite des sondages ? » (16 mars 2017). Mais comme à l’accoutumée c’est pour mieux répondre par la négative en reprenant, tant bien que mal, les arguties des sondeurs français. Sur la question de la pertinence des sondages réalisés plusieurs mois, voire plusieurs années avant le scrutin, on en viendrait toutefois à croire que Donald Trump a fait des émules dans la presse belge.
" Alors les sondages réalisés trop longtemps à l’avance sont-ils forcément faux ?
Oui... et non. Oui, dans le sens où il y a très peu de chances qu’ils correspondent au résultat qui sortira plusieurs mois plus tard. Et non, dans le sens où ce n’est pas la question que les sondeurs posent. Généralement, la question posée est « si l’élection avait lieu dimanche prochain, pour qui voteriez-vous ? » Il n’est donc pas demandé aux sondés d’exprimer un vote plusieurs mois à l’avance".
Faux et pas faux ? Traduction : « résultats sans rapport avec la réalité du scrutin mais peu importe ». Quand la naïveté mâtinée d’un soupçon de mauvaise foi le dispute à la bêtise. Le quotidien n’aura pas souffrir cependant de la solitude, Libération, en la personne de son directeur de publication, ne semble pas lui non plus craindre les paradoxes pour sauver les sondages, quels que soient leurs défauts :
« Les sondages publiés en ce moment ont une valeur prédictive toute relative. Faut-il rappeler, aussi, qu’ils ne prévoient pas l’avenir mais le passé ? C’est-à-dire l’état de l’opinion deux ou trois jours avant leur publication et non deux mois après ». (Laurent Joffrin, Libération, 15 mars 2017).
Prédire le passé ? Oxymore ou sottise ?