« Après l’élection d’Emmanuel Macron, nombre d’auditeurs n’ont pas compris que Philippe Tesson, qui était leur héros de droite, passe avec armes et bagages du côté de l’Élysée, professant même une grande violence à l’égard des Républicains de Laurent Wauquiez. Si l’on regarde les sondages : Républicains +Rassemblement national avoisinent les 40%. Il est tout à fait normal et démocratique qu’une voix les représente : c’est Zemmour, bien qu’il ait toujours déclaré n’appartenir à aucun parti » (cf. « Dans la tradition des polémistes », Guillaume Durand, Nouveau magazine littéraire, p. 21.).
Inutile de chercher le détail de l’opération que l’ancien animateur de « Nulle Part Ailleurs » [3] a effectué pour parvenir à cette conclusion. Même les sondeurs pourtant allergiques à la complexité n’ont pas encore poussé l’innovation jusqu’à modifier aussi radicalement, dénaturer en fait les notions même de représentativité et de démocratie. Il est difficile néanmoins d’écarter ici l’hypothèse de leur empreinte, plus prégnantes sur des esprits un peu faibles et ignorants, tant le moment d’égarement doxosophique est patent. Rappelons :
qu’ils se considèrent toujours malgré les démentis du réel comme les fruits exclusifs des régimes démocratiques (curieuses démocraties que sont la Russie ou la Chine où les sondages sont monnaie courante).
que les coups de force épistémologique et méthodologique sont aux fondements de leur métier et leurs pratiques.
que la représentativité de leurs échantillons est devenue une fable.
que leur tentation d’assimiler leurs mesures aux votes des scrutins électoraux est grande.
qu’ils paient maintenant les sondés en bons d’achats pour les inciter à remplir leurs QCM sur tout et n’importe quoi, tout au long de l’année.
Toutefois décréter qu’un éditorialiste d’extrême droite est le représentant, démocratiquement auto-désigné (naturel ?) des sympathisants de RN et de LR réunis, par simple addition, une opération sauvage et rustique de chiffres d’enquêtes glanés à la va-vite ça et là dans la presse, au total 40%...40% des Français on suppose, n’est pas encore envisageable pour un sondeur. On peut bien sûr toujours se tromper...
- Remarques élémentaires pour conclure
Que nombre de « sympathisants » RN et/ou LR aient des affinités avec le polémiste est plausible. Tous ? Le doute était plus que permis. Les quelques sondages relatifs précisément à Eric Zemmour portent sur sa popularité. Un type d’ « enquêtes » dont l’ambiguïté est particulièrement prononcée (cf. par exemple Qu’est-ce qu’une cote de popularité ?). Il est donc pour le moins très « audacieux » d’y voir un indice sérieux et fiable de représentativité ou d’adhésion. Et quand bien même le serait-il, « manque de chance » pour le journaliste on est loin des 100% de bonnes opinions LR et RN réunis. L’une des plus récentes datée de 2015 [4] donne 45% de LR et 45% de FN (l’ancien nom de RN). Dans le même sondage concernant maintenant son éventuelle candidature à la présidentielle de 2017, 65% des sondés « sympathisants » de LR sont contre, 38% des « sympathisants » FN.
Que Radio Classique ait recruté pour « doper » son audience un éditorialiste qui s’est notamment illustré par ses propos révisionnistes réhabilitant le maréchal Pétain et sa politique anti-juive, c’est son droit. Que Guillaume Durand voit en lui grâce un « calcul savant » le représentant de « 40% des Français », et qu’en lui donnant ainsi la parole il agit en démocrate, c’est son droit.
On le sait la doxosophie touche un nombre conséquent de professionnels de l’information. Guillaume Durand semble particulièrement attentif aux critères de représentativité. Le voilà donc rassurer il n’est pas seul. Comme à l’époque de Canal plus où il a intégré rapidement les marionnettes des Guignols de l’info. Des mauvais souvenirs si l’on en croit le journaliste [5].