observatoire des sondages

Le RN pris à son propre piège

jeudi 3 avril 2025

Le sondage de l’Ifop, à défaut de transporter d’aise M. Le Pen, ne pouvait cependant que lui plaire et la conforter dans sa situation de victime du « système » (le Jdd, 30 mars 2025). Selon les hypothèses, elle totalise entre 34 et 37% des voix au premier tour de la présidentielle de 2027. « Soit 14% de plus qu’en 2022 » précise (avec gourmandise ?) F. Daby (DG de l’Ifop). Peut importe qu’à deux ans du premier tour de tels sondages ne valent strictement rien, ou que les sondés qui ne se prononcent pas représentent 30% de l’échantillon final. Quant il s’agit de compter et de mobiliser ses voix, les questions qui obèrent la validité d’un sondage n’importent jamais. Le problème, car il y en a « un », c’est que M. Le Pen, n’avait, peut-être, pas prévue qu’Elabe en ferait lui aussi un sur la décision de justice. Les « joies » du sondage en ligne (Elabe, BFMTV, 31 mars).

« 57% des Français estiment que la décision de justice est normale aux vues des faits reprochés à M. Le Pen ». La « volonté du peuple » n’a marché, si l’on peut dire, que quelques heures. Pour se contredire, plus exactement, pour être battu en brèche par un autre sondage tout aussi...« valable ». L’application de inéligibilité de 5 ans étant exécutoire immédiatement malgré l’appel de la décision (c’est la loi). Ce n’est donc à tout le moins pas une condamnation politique, bien évidemment. Rappelons que même le FN d’alors n’avait pas manqué de voter avec l’ensemble des députés, cette disposition législative. Quoi de plus représentatif en effet qu’une décision « anti-élite » aux yeux du FN (réduit en nombre mais pas en voix, M. L. Pen était députée) que cette mesure aujourd’hui honnie.

Ne reste que la violence qui n’a pas tardé éclaté. Des incitations aux meurtres des juges concernés, aussitôt suivies en réponses par l’ouverture d’enquêtes du parquet. Les réactions des politiques n’ont pas manquées également, au premier rang desquels celle E. Macron. « La justice est indépendante et doit être protégée » (Le Monde, 2 avril). J-L. Mélenchon quant à lui continue son long naufrage. Il a rejoint les critiques de M. Le Pen. « La décision de destituer un élu devrait revenir au peuple ». « L’appel au peuple » comme toujours. Qui se ressemble se rejoigne à défaut de s’assembler. Mais les ennuis judiciaires qui s’accumulent sur la tête du leader de LFI ne sont sans doute pas étranger à cette déclaration.

Des manifestations de colère (de protestation) sont prévues ses prochains jours. « On ne va pas faire le 6 février 1934 » ironisait-on au RN en référence, ce jour là, aux actions violentes organisées par des ligues d’extrêmes droites. « Ce n’est pas un coup de force » se défendait J. Bardella mercredi 2 avril (Le Monde 2 avril). On verra bien. L’entreprise dé-diabolisation menée avec maints efforts, et d’atermoiements, va-elle enfin compte se dégonfler ? On verra là encore, mais le RN n’est pas composé que de ses électeurs potentiels, loin s’en faut. Les sondeurs l’ont-ils oublié ?

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