« Victoire miraculeuse », « inattendue » ou « inespérée », etc., invariablement la presse a souligné à coups de titrailles et d’articles sensationnalistes la victoire électorale du premier ministre australien sortant, Scott Morrison [1]. Quelques jours plus tard même son de cloche pour illustrer le score du PVDA et sa tête de liste Frans Timmermans (premier vice-président de la Commission européenne) lors du scrutin européen aux Pays-Bas [2].
Aucune intervention divine - puisque tel est en substance le sens du mot miracle pour l’Eglise catholique - n a bien évidemment été détectée pour expliquer ces sempiternelles « surprises » (elles sont monnaie courante, il y en aura d’autres). La « main » des électeurs demeure, il est vrai, plus facile à reconnaitre que celle d’un dieu. Truisme bien rodé mais resservi à chaque occasion ce sont donc les électeurs et notamment les indécis de dernière minute qui seraient responsables de ces « miracles ». Le candidat « miraculé » n’est pas oublié, ses qualités notamment mobilisatrices, jusque là insoupçonnées, sont vantées, sa stratégie, reconnue gagnante. La preuve ? Il a gagné. Comment sinon expliquer la victoire surprise ? On est prié de ne pas rire devant une telle logique régressive. Mais à l’impossible nul n’est tenu.
Les sondages, enfin, sont mentionnés. Impossible de faire l’impasse sur ce point central des « miracles électoraux » de la presse. Mais là point de miracle, on s’en doutait, les grands fiascos sondagiers de ces dernières années n’ont pas diminué l’addiction journalistique aux prédictions sondagières. Que le ton soit vindicatif, comme au Figaro, ou purement constatif, comme au Monde (Libération ne les évoque même pas), ne change rien. Produit directement dérivé des mesures sondagières la rhétorique politologique évoquée ci-dessus demeure la réponse à l’échec des prévisions sans remettre en cause leur principe. On connait depuis longtemps celle des sondeurs : les sondages ne sont pas une prédiction ils ne peuvent donc se tromper. Hypocrisie et mensonge, car en « bons marchands » les sondeurs ne manquent jamais de vanter leurs performances, à savoir la précision de leurs mesures, ou de minimiser voire nier leurs défaillances. Et, toujours en « bons marchands », ils savent parfaitement que prédiction ou pas, leur crédit et leurs tarifs dépendent de la précision de leurs mesures. Qu’ils se trompent trop souvent ne manquera pas jamais d’avoir des répercussions négatives sur toutes leurs affaires.
Il y a quelque ironie à constater qu’en matière de miracle, la science, pour ne pas dire la raison, est plus du côté de l’Eglise catholique que de la presse. Si l’absence d’explication scientifique d’un phénomène, souvent la guérison d’une maladie incurable, n’est pas suffisante, loin s’en faut, pour être requalifié par l’Eglise de « miracle », elle demeure un prérequis indispensable. La presse dans l’ensemble, est peu perméable à la critique scientifique des sondages. Elle use et abuse des prédictions des sondeurs qu’elle y croit ou non. Par conséquent « ses » miracles, (événements imprévus) ne sont que le constat d’une réalité qui ne correspond pas à ce qu’on lui avait dit, ou à ce qu’elle avait anticipé.
C’est donc quand elle se trompe et qu’elle trompe éventuellement ses lecteurs, bien aidée il est vrai par les sondeurs, que la presse croit aux miracles. Singulière conception, en somme pas très catholique .