Une référence aux 54% des personnes interrogées par l’Ifop pour le compte d’une ONG, l’ACAT, oeuvrant pour l’abolition de la torture [1], qui estiment « qu’il est justifié qu’un policier envoie des décharges électriques sur une personne soupçonnée d’avoir posé une bombe prête à exploser ». Une affirmation, comme le souligne le commanditaire, qui si elle ne laisse pas d’inquiéter, ne saurait surprendre dans le climat actuel de peur suite aux différents attentats de ces derniers mois. Ce sondage appelle néanmoins quelques observations.
1 - Il y a tout lieu de penser que les personnes interrogées ne savent pas de quoi elles parlent. Y compris les 18% de sondés qui affirment que dans des « circonstances exceptionnelles elles seraient capables de recourir à la torture ». Les sondés dans leur confort ordinaire ont une vision cinématographique totalement déréalisée de la torture. Mais la torture ce n’est pas les « chatouilles » du cinéma, ce sont des actes, que les sondés à coup sûr ne supporteraient même pas de voir, quant à les perpétrer...
Dans un sens moins dramatique, c’est comme interroger Nicolas Sarkozy (par exemple), dont on sait qu’il ne boit jamais de vin [2] sur la qualité d’un Bordeaux ou d’un Bourgogne, ou questionner un béotien sur la qualité d’œuvres d’art.
2 - Comme souvent en pareil cas certaines réponses sont dans une large mesure dans les questions posées. S’il s’agit de prévenir un attentat à la bombe difficile de ne pas être tenté par l’approbation de la torture (par exemple le recours aux décharges électriques)...si des vies peuvent être sauvées. Or le questionnaire ne mentionne nullement part l’inefficacité de la torture pour obtenir des renseignements fiables, contrairement au rapport [3]. Il se contente de demander aux sondés (qui n’en savent rien) s’ils estiment ces mesures efficaces.
3 - Interroger des personnes installées dans leur canapé un combiné de téléphone à la main [4] sur des actes de violence extrême a-t-il un sens ? Combien de personnes contactées ont refusé de répondre à ce sondage ? Il est donc plus que plausible que parmi celles qui ont accepté d’y répondre, et jusqu’au bout, l’on retrouve les plus enclines aux actions et comportements répressifs. L’hypothèse d’une surreprésentation de sondés favorables à la torture ne saurait donc être négligée. Cette enquête n’étant pas un sondage électoral, la loi n’oblige pas le sondeur a communiqué cette information importante.
Un sondage à « grand spectacle » en somme, malsain et au demeurant inutile car est-il bien nécessaire de faire un sondage pour « apprendre » que dans un contexte où les dangers de mort sont plus prégnants les sentiments et les réactions violentes le sont eux aussi.