Ceux qui croyaient naïvement que les sondages contribuaient à la démocratie ont chaque jour une raison supplémentaire de se retourner dans leur tombe. Parmi d’autres arguments faibles, ne disaient-ils pas que cette mesure de l’opinion repoussait la rumeur ? Un sondage BVA - Le Parisien (2 février 2014) assure que Vincent Peillon est un mauvais ministre de l’Education nationale pour « 62% des Français ». L’AFP plaque tournante du trafic de fausses informations en France, relie explicitement ce chiffre à l’affaire de la « théorie du genre » : « En butte ces derniers jours aux rumeurs à propos d’un prétendu enseignement de la »théorie du genre« conduisant certains élèves à boycotter l’école, Vincent Peillon pâtit globalement d’une image négative ». Il aurait fallu écrire « le prétendu enseignement d’une prétendue théorie du genre » mais il est plus grave de relier le chiffre à un phénomène (une grève non des élèves mais des parents) et à ainsi imputer une partie de la responsabilité à un ministre. Il est vrai que comme tous ces sondages, les chiffres ne résistent pas à la critique : 62 % de sondés ayant une image négative et 37 % ayant une image positive, cela fait 99%. Comment tout le monde a-t-il une image d’un ministre ? Et si une autre question ménage une possibilité de non compétence, ce sont 17 % des sondés qui ne connaissent pas assez bien le ministre. C’est peu. On apprend encore que Vincent Peillon a une image d’intellectuel (65%) - parce qu’il porte des lunettes ? - , qu’il a des convictions profondes - comment le savent-ils ? - qu’il est orgueilleux - délit de faciès télévisé ? - qu’il « joue trop perso » - encore une image de football - . Une majorité (54%) estime encore que Vincent Peillon est « plutôt moins bon » que ses prédécesseurs sans qu’on sache combien se souviennent d’un nom parmi ces prédécesseurs.
L’AFP ne mentionne pas dans la fiche technique si le sondage a été effectué par internet ou au téléphone. Peu importe quand il faut avoir des raisons particulières de répondre à des questions aussi sottes. On comprend que les adversaires du gouvernement se prononcent ainsi par principe, que d’autres se vengent de l’école qui les a maltraités dans leur jeunesse, mais tous, retraités, couples sans enfants, et peut-être quelques parents d’élèves, ont quelque chose à dire. A en juger par les commentaires qui accompagnent ces sondages sur les forums internet, la haine atrabilaire des frustrés de l’école s’est déversée sans retenue. Les sondages sont devenus une machine à enregistrer la haine et l’ignorance. Il devient embarrassant que malgré tous les démentis, la presse en mal d’information et de pensée, continue à parler des Français quand il s’agit d’une très faible minorité de sondés - ceux qui acceptent de répondre - et insulte ainsi les Français et l’intelligence.