observatoire des sondages

De Daniel Wilson à Jérôme Cahuzac

lundi 27 mai 2013

Jérôme Cahuzac a finalement décidé de ne pas se représenter à l’élection partielle de la circonscription de Villeneuve-sur-Lot à la suite d’un sondage le donnant battu avec 11 % des intentions de vote. Il est devenu ordinaire de se lancer dans la course électorale au regard des sondages. Même si tout y est sujet à caution : le nombre de sondés, le contexte, la situation de sondé n’étant pas celle d’électeur (Ifop, 16 mai 2013 ?) [1]. La culpabilité aurait pu suffire pour se retirer de la politique. L’ancien ministre semble ne l’avoir éprouvé que minimalement puisque la fraude fiscale - oublié les mensonges ? – n’est que péché véniel. Il est aussi difficile de retourner à la vie citoyenne quand on a connu les délices de la politique et les ors de la République. Un autre sondage encouragera peut-être ce retour…

Il ne dira pas quel serait l’accueil à l’Assemblée nationale. Une raison de méditer l’expérience de Daniel Wilson, principal accusé du scandale des décorations. Le gendre du Président Grévy vendait les légions d’honneur. Jules Grévy dut démissionner de l’Elysée (2 décembre 1887). Evincé de l’Assemblée nationale, Daniel Wilson n’eut de cesse de retrouver un siège. Il mena donc campagne dans sa circonscription de Loches. A force de discours, de poignées de mains, de promesses et de cérémonies, il emporta la maire de Loches, reconquit son mandat de conseiller général et le siège de député (1893). Précisément la place marquée du numéro 316. Theodor Herzl, alors correspondant du journal autrichien Neue Freie Presse, fut témoin de son retour au palais Bourbon [2]. « Daniel Wilson n’est que l’ombre de lui-même. Naguère, il était fort et imposant. Aujourd’hui, il paraît tout rabougri, la poitrine étroite et affaissée, le dos rehaussé quand il est assis […] Quelle satisfaction cherche-t-il ici ? Mystère. Veut-il prendre la parole ? A Loches au conseil municipal, ce serait plus facile. Ici, si jamais il ose monter sur la tribune, on l’insultera et on l’empêchera de parler ». Sa seule présence était insupportable. Avant que cela fut confié au Conseil constitutionnel en 1958, les assemblées parlementaires bénéficiaient alors de cette prérogative souveraine du contrôle de régularité des élections. Une nouvelle épreuve imposée à Daniel Wilson. «  La Chambre se remplit, mais autour de lui subsiste un vide, comme s’il y avait là un cercle invisible que personne n’ose franchir. Il est lamentablement seul. » Un républicain de gouvernement montait à la tribune pour réclamer l’invalidation : « c’est une rude tâche d’infliger une seconde mort à ce cadavre […] N’avait-il pas prévu que son élection se terminerait de cette façon ? Il aurait pu s’épargner cette exécution. Pourquoi n’est-il pas demeuré sous terre, comme il se doit pour un mort  ». Sans surprise, l’élection était annulée. «  Daniel Wilson se glisse dehors. Il va se représenter c’est sûr  ».


[1Echantillon : 602 personnes, sondage effectué par téléphone. A l’heure où nous publions ce papier, l’Ifop n’a toujours pas publié la notice détaillée du sondage (confidentiel ?) payé semble-t-il par le PS (cf. entre autres 20Minutes, 17 mai 2013).

[2Theodor Herzl, Le Palais Bourbon. Tableaux de la vie parlementaire française, Paris, L’Aube, 1995, pp. 69-84.

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