observatoire des sondages

La commission des sondages à Jean Luc Mélenchon : « circulez, y’a rien à voir »

jeudi 29 septembre 2011

Un candidat malicieux, Jean Luc Mélenchon, s’est enquis auprès de la commission des sondages du sort qui lui était réservé par un sondage Harris Interactive-Le Parisien du 7 septembre 2011. La commission des sondages lui a donné sa réponse par une lettre du 22 septembre 2011. La commission des sondeurs faudrait-il d’ailleurs écrire tant cet organisme de contrôle ne fait que reprendre les propos des sondeurs.

Apportant des « précisions », elle mentionne qu’il s’agit d’un sondage sur les intentions de vote. La question posée n’est pourtant pas si claire : « Pour lequel des candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? ». Si elle rappelle encore que la fiche technique est sur le site du sondeur - un organisme public renvoie donc aux informations d’un entrepreneur privé, soit la négation même du contrôle -, elle n’en mentionne pas moins que la méthode des quotas a été utilisée, que l’échantillon est de 888 individus à partir d’un access panel, que l’enquête a été réalisée entre le 31 août et le 5 septembre. En citant les limites d’interprétation du sondeur avec les guillemets : « Les intentions de vote constituent un rapport de force à un moment donné », en assurant que la méthode des quotas ne permet pas de calculer une marge d’erreur – mais on le fait par analogie à la méthode aléatoire – en reprenant significativement l’argumentaire d’Harris Interactive développé depuis longtemps pour ses sondages, et en utilisant le terme « marge d’incertitude » [1]. Autant dire que Harris Interactive a été consulté pour la réponse de la commission au candidat curieux. Enfin, la commission n’a été sensible à aucun des arguments du candidat et même pas à la fausseté de son sondage puisque les abstentions se situent entre 0 et 3% selon les cas, ce qui n’a jamais été le cas d’aucune consultation électorale.

6 jours pour être réalisé, cela commence à faire beaucoup pour un instantané. Le sondeur a manifestement eu du mal à trouver ses 888 individus, son seuil de représentativité. Il va falloir augmenter les incentives, c’est-à-dire la somme de 7000 euros promise par Harris Interactive pour obtenir des réponses.

On en arrive au cœur du problème. La commission précise que le redressement est effectué « par le souvenir de vote à l’élection présidentielle de 2007 ». Le procédé est bien connu mais le vote en faveur de qui ? Il faut rappeler en effet que Jean Luc Mélenchon n’était pas candidat pas plus que son parti et encore moins la coalition dont il est aujourd’hui le candidat. Autrement dit, en 2007 il n’y avait pas d’offre similaire pour permettre un redressement. Comment a fait Harris Interactive ? Le candidat ne le saura pas car la commission des sondeurs a estimé qu’il n’avait pas à le savoir au titre de l’article 3 de la loi de 1977. Il faut dire que cet article ne dit rien d’aussi précis sinon par prétérition et surtout pas que les candidats ne doivent pas plus connaître que les citoyens comment ils sont traités (« y compris à l’égard des personnes faisant l’objet du sondage », précise la présidente de la commission). Quand on sait que des journalistes se vantent de connaître les redressements par les confidences des sondeurs, on apprécie la différence des traitements. Quant aux candidats, du moins certains candidats, « circulez, y’a rien à voir ».


[1cf. par exemple Novatris/Harris Interactive pour le Financial Times, 16 avril 2007 :« Cette étude en ligne n’est pas basée sur un échantillon aléatoire et aucune erreur d’échantillonnage théorique ne peut donc être calculée (...) En conséquence, il n’existe aucun moyen de calculer une « marge d’erreur » absolue pour une étude et l’utilisation de ces termes devrait être évitée. »

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