observatoire des sondages

Les irresponsables de l’OpinionGate

vendredi 5 novembre 2010

Anticor, association de lutte contre la corruption avait déposé une plainte visant la convention passée sans appel d’offres entre Publifact, société de Patrick Buisson, et l’Elysée. Le Parquet vient de classer la plainte sans suite. Sans surprise quand on sait que ce dernier est aux ordres du garde des Sceaux et donc du président de la République. L’Elysée a tenu la plume du vice-procureur si l’on en juge par certaines tournures stylistiques : ainsi apprend-on que la Cour des comptes « paraît » avoir reproché les infractions au code des marchés publics et que le contrat a été signé au regard des « compétences » de « l’animateur » de Publifact, désignation fort peu juridique dont le flou reprend le flou dont M. Patrick Buisson a recouvert son statut dans sa société. Sans doute ce degré de soumission inscrit dans les mots peut-il étonner.

Ce n’est encore rien au regard des motifs du classement sans suite. Le vice-procureur, chargé des affaires financières, du Parquet du tribunal de grande instance de Paris étend en effet l’irresponsabilité pénale du président de la République au-delà de l’interprétation antérieure des textes invoqués. A partir de la « transposition » de la situation des directeurs de cabinet des ministres, l’ancienne directrice de cabinet de l’Elysée, Emmanuelle Mignon, ne pourrait être poursuivie pour « délit de favoritisme » parce qu’elle signé la convention entre l’Elysée et Publifact. De manière définitive, apprenons-nous par la même occasion, c’est-à-dire au-delà même du mandat présidentiel.

Ces motifs laisseront les juristes interloqués. Est-ce si important alors qu’on observe chaque jour le pouvoir politique se moquer du droit ? Il faut abandonner toute illusion. Et tirer les conséquences logiques du classement sans suite :

- On se demande quel était le sens des observations de la Cour des comptes puisqu’elle n’obligeait nullement la présidence de la République à respecter les règles de droit.
- On se demande jusqu’où va l’irresponsabilité ? L’impunité évidemment mais si loin. Elle ne concerne forcément pas la seule fonction de direction de cabinet de l’Elysée. Mais qui encore ? Assurément le directeur adjoint, le chef de cabinet, le chef adjoint, et qui encore ? Les conseillers ? Cela peut aller très loin.
- L’irresponsabilité pénale s’applique en tout cas indirectement puisque le co-contractant est lui-même irresponsable « de manière logique et cohérente », selon le Parquet. Cette irresponsabilité soulève un autre grave problème. On se souvient que M. Patrick Buisson a assigné pour diffamation publique, pour des propos tenus sur son contrat avec la Présidence, le journal Marianne, puis le journal Libération et l’universitaire Alain Garrigou. Dans ce dernier cas, l’audience aura lieu le 22 novembre 2010. On aura alors peut-être la réponse à cette question : comment une personne pénalement irresponsable peut-elle poursuivre en justice une personne pour des propos tenus sur les faits dont il est interdit de juger puisqu’elle en est irresponsable ?

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