Les déboires sportifs de l’équipe de France de Football ont constitué
une aubaine pour la presse. Il eut été donc impensable que les sondeurs ne participassent point eux aussi au festin. Trois sondages, l’un BVA-Canal plus (22 juin 2010), les deux autres CSA, (un pour Le Parisien et Tf1, un autre pour Direct Sport, 25 juin 2010) ont recueillis les sentiments des « Français » sur le parcours de l’équipe et la prestation des joueurs.
Dans l’enquête BVA, effectuée avant le match contre l’Afrique du sud, 95% des sondés pronostiquent une élimination dès le premier tour de la compétition, et 79% estiment que l’ « affaire Anelka » (insultes et grève de l’entraînement) est grave. Dans l’étude CSA-Le Parisien-TF1, 35% des sondés attribuent la responsabilité de l’échec de la France aux joueurs, 32% au sélectionneur et 24% au président de la FFF (Fédération Française de Football). Dans l’étude CSA-Direct Sport enfin, 71% des « Français » estiment que les performances de l’équipe de France justifient la démission du président de la FFF.
Est-ce à dire que le destin de l’équipe de France préoccupent tous les sondés ? Non bien sûr. Les deux sondeurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, mais plutôt que de privilégier les amateurs de football, ils ont opté, excepté curieusement dans le sondage publié par Direct-Sport, pour une distinction entre ceux qui s’intéressaient au football et ceux qui s’en désintéressaient. Désintérêt n’est certes pas synonyme, systématiquement du moins, d’ignorance ou d’incompétence. De toute façon on ne risque pas grand-chose, surtout s’il s’agit d’un sondage, pour peu que l’on soit disposé à répondre, à se prononcer sur une question qui ne nous intéresse pas ou peu ou sur laquelle on n’y connaît rien. Les sondeurs ne cherchent-ils pas en effet à obtenir avant tout une réponse ? Quoi qu’il en soit, c’est sans doute parce que le ridicule n’est pas chose mortel que BVA peut affirmer sans rire que les « vrais gens », comprendre les Français, estiment à 65% que la crise du football est de la responsabilité des joueurs, ou à 57% de l’entraîneur et ou encore à 50% de la Fédération, et que CSA peut dire à son tour que 61% des Français souhaitent que Florent Malouda continue à faire partie de l’équipe de France mais pas Nicolas Anelka (68%).
Voilà peut-être de quoi rassurer les entreprises de sondages. Confrontées depuis plusieurs années au phénomène croissant du refus de répondre, il existe toujours des personnes bienveillantes prêtes à les aider (à se sacrifier ?) surtout si on les paye, comme pour les sondages en ligne, pour répondre aux questions qu’on leur pose et accepter d’émettre un avis, sur tout et n’importe quoi, et par exemple sur la suite à donner à la carrière de certains joueurs de l’équipe de France y compris lorsque le football ne les intéresse pas du tout. Dernier problème, mais non des moindres cependant, quant à l’intérêt et à la signification de ces sondages, la part respective dans l’échantillon des sondés de ceux intéressés et de ceux non intéressés par le football n’est à aucun moment précisée. On se demande alors bien pourquoi CSA et BVA ont intégré cette caractéristique dans leur questionnaire. S’agit-il à l’instar de l’équipe de France de football, d’un problème d’enquêteurs, d’un défaut de l’encadrement, d’une dégradation générale d’une activité peu soucieuse du minimum de rigueur intellectuelle, ou les trois à la fois ?