observatoire des sondages

Mesures d’impopularité

samedi 23 mars 2013

Il semble qu’il faille se résigner à considérer les différents baromètres et cotes de popularité comme des mesures d’impopularité des gouvernants si ce n’est de tous les acteurs politiques. Les mauvais indices s’alignent ainsi d’années en années ne laissant guère de surprise sinon de battre les records. Il est vrai que par temps de crise, de chômage, de baisse du pouvoir d’achat, etc. on peut se demander si cela aurait du sens d’apprécier les dirigeants et de croire à leur efficacité. Néanmoins, les sondeurs posent imperturbablement leurs questions. Mais que mesurent-ils ? Le jugement sur les personnes si on en croit les commentateurs politiques qui dissertent à l’envi des hauts et surtout des bas, interprètent les faits et gestes comme des tactiques pour remonter dans l’opinion et ne se privent pas de donner des leçons. François Hollande s’est-il rendu en Bourgogne pour faire remonter sa cote de popularité ? Un contrat de vente d’avions a-t-il été signé à l’Elysée pour la même raison ? [1]. On peut le craindre. En partie sans doute. C’est une affaire de croyance dans l’existence de la popularité et dans la valeur des indicateurs chiffrés. Et l’on peut supposer que le milieu politique croit plus ou moins à ces choses. Cela empêche-t-il de gouverner, voire d’être réélu ? Seulement si on croit que cela peut avoir des effets.

Sans s’interroger sur une popularité qu’on aurait du mal à la définir, sinon pour dire que c’est ce que mesurent les cotes de popularité, il faudrait décomposer plusieurs réactions :

- celles à l’égard des personnes citées (il y a assurément une corrélation entre l’opinion sur les personnes et les préférences partisanes)

- celles à l’égard des dirigeants en général ou la classe politique (l’impopularité des gouvernants peut être parallèle à celle des opposants)

- celles à l’égard de la politique comme solution pour régler ses propres problèmes des sceptiques et des méfiants (le cynisme populaire [2]).

- celles à l’égard de la politique comme solution générale pour régler les problèmes du monde (une posture qui peut être philosophique)

- celle de toute personne qui étant interrogée se sent plus justifiée à répondre si elle a quelque chose à dire (un artefact sondagier en somme).

Saurons-nous jamais ce que veulent dire ces opinions qui alimentent la logorrhée ? Il est bien entendu possible de faire une véritable enquête. Mais si l’on savait, pourrait-on encore commenter ?


[1Cf. Pêle-mêle et parmi une multitude de titres d’articles, de questions, commentaires et sentences journalistiques et sondagières : "Un “effet Mali” sur la popularité de Hollande ?" (20Minutes, 20 janvier 2013) ; "Ce niveau d’impopularité est-il inquiétant pour François Hollande ? Peut-il remonter ?" (Le Nouvel Observateur, 11 mars 2013) ; Concernant le déplacement de François Hollande à Dijon : « Alors que les sondages d’opinion sont en berne, le président de la République se lance dans une vaste opération de reconquête des Français » (Le Point avec l’AFP, 11 mars 2013) ; « Hollande descend en province pour remonter la pente. Les sondages sont au plus bas et Hollande veut rattraper les choses » (huffingtonpost.fr, 11 mars 2013) ; à propos de l’annonce de la signature d’un contrat de vente d’avions Airbus : "Est-ce que ça fait partie de la nouvelle “com” de l’Elysée ?« (Laurent Bazin, »Faut-il gouverner avec les sondages", C dans l’air, France 5, lundi 18 mars 2013) ; « Ce qui manque c’est la cohérence c’est la capacité à donner le sentiment aux Français qu’il y a un cap, qu’on sait où on va » (Brice Teinturier-Ipsos, C dans l’air, Ibid) ; « Le président manque de force pour communiquer la situation est très grave son action n’est pas à la hauteur de ce qu’il faudrait faire » (Christophe Barbier-L’Express, C dans l’air, Ibid) ; "Quel impact l’affaire Bettencourt a-t-elle eu sur la popularité de Nicolas Sarkozy ?" (l’Express, 22 mars 2013) ; "Nicolas Sarkozy reste jusqu’à présent le plus populaire dans l’électorat UMP. Il est actuellement protégé par sa popularité, et fera tout pour la préserver car c’est son principal bouclier« (Françoise Fressoz, Le Monde, 22 mars 2013). »Cette justice partisane est vraiment prête à tout pour tenter de faire baisser la cote de popularité de monsieur Sarkozy, très loin devant celle de Monsieur Hollande", (internaute, forum des lecteurs de l’Union-L’Ardennais, 22 mars 2013) ; etc.

[2Sur la notion de cynisme populaire cf. Richard Hoggart, La culture du pauvre. Étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Minuit, 1970.

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