Comme les politiciens qu’ils conseillent, les sondeurs sont sensibles à leur visibilité et leur notoriété publiques essentielles à l’ensemble de leurs activités. Milieu très concurrentiel les nouveaux entrants dans le champ médiatique sont rares, et plus encore, en France du moins, lorsqu’ils appartiennent au champ académique comme Cluster17 fondé et présidé par Jean-Yves Dormagen, un professeur de science politique tenté depuis longtemps par la politique et la politologie. C’est désormais incontestable.Trois sondages d’intentions de vote ont été publiés sur le site web et diffusés largement dans la presse en moins de deux semaines par cette société par actions simplifiées en cours de constitution (cf. mentions légales de cluster17). Le tout par internet certes, mais pour un nourrisson cela reste un bel effort de communication. Quelques dissonances notoires avec les sondeurs "installés" ont contribué à attirer plus encore l’attention de la presse écrite et audiovisuelle (J-L Mélenchon donné à 13% par exemple). Jusque BFM-TV reprenant les 7% d’intentions de vote attribués à C. Taubira pas encore candidate déclarée (23 décembre 2021). Autant dire une consécration. Le Figaro a même interprété la publication des notices détaillées sur le site de la commission des sondages comme un acte de "reconnaissance" [1]. Une qualification parfaitement abusive, la publication de ses notices n’étant qu’une obligation légale liée à la publication des sondages et n’équivaut nullement à une reconnaissance à quel que titre que ce soit. Les observations de la commission faites à Cluster17 restent jusqu’à présent confidentielles. Divergences chiffrées mises à part rien de nouveau par rapport aux autres agents de la doxosophie chez ce nouvel entrant et sa soi-disant méthode innovante des clusters, annoncée plus pertinente pour comprendre la "demande électorale" que le clivage droite/gauche, "dépassé". Une prétention qu’une majorité de la presse a relayée "sans broncher".
Sauf à douter de la sincérité des précédents travaux de ce professeur il ne lui a pas fallu très longtemps pour renier le principe fondateur des sciences sociales à savoir : que les agents sociaux ne disent pas ce qu’ils font et ne font pas ce qu’ils disent, du moins pas assez pour qu’on les croie sur parole. C’est en l’occurrence ce qu’il rappelait en 2017 avec Céline Braconnier [2] à propos du niveau d’études déclaré par les sondés dans des enquêtes par sondages (preuve à l’appui, publiée dans Les Echos, 18 avril 2017, cf. ci-dessous).
On peut s’étonner qu’un universitaire joue son crédit et un peu celui des autres sur des méthodes aussi contestables scientifiquement qui sous couvert de nouveauté ne font que reprendre les vieux clichés des « sociostyles » du marketeur B. Cathelat (entre autres), un oubli qui n’étonne pas de la part de journalistes trop jeunes et/ou trop peu curieux.