Une question à la réponse pourtant évidente, qui n’a manifestement pas effleuré les médias français qui se réfèrent à ses sondages (cf. par exemple Sud-Ouest, 31 mars 2022). Sauf peut-être la chaine d’info en continu LCI qui dispose il est vrai des « lumières » d’un spécialiste averti de la Russie, Sergueï Jirnov, un ex-officier supérieur de renseignement (services extérieurs) du KGB. Sa réponse lapidaire n’a suscité aucune réprobation parmi les journalistes et invités sur le plateau au demeurant très « animés ».
Darius Rochebin (LCI, « Brunet & Cie ») : est-ce que vous qui êtes spécialiste du renseignement, c’est votre métier quand même, est-ce que sous la couche - il n’y a pas de grandes manifs de rue, il n’y a pas de grand mouvement, il y a même eu de sondages d’organismes qui sont plutôt indépendants qui disaient qu’il y a un certain soutien à la guerre - sous la couche il n’y a pas ça ? [référence aux « merde à la guerre » (cf. ci-dessous) scandés par les spectateurs d’un concert, dont quelques images venaient d’être diffusées à l’antenne).
Sergueï Jirnov : un sondage dans un camp de concentration où on demande aux prisonniers leur opinion sur le fürher qui dirige le camp, vous imaginez évidemment qu’ils vont dire on adore le führer...c’est ça les sondages sous Poutine. Mais par exemple dans la ville de Saint Pétersbourg sa réelle popularité est de 15%, si elle était vraiment suivie parce qu’il y a d’autres moyens de mesurer ça. A Moscou c’est 25% à peu près, en revanche en Tchétchénie et Ingouchie là c’est.... 120%.
15%, 20% ? D’où l’expert tient-il ces chiffres ? Il ne le dit pas, personne ne lui a demandé. Tant pis. Dans les grands centres urbains l’hostilité à la guerre et plus généralement à V. Poutine serait donc majoritaire contrairement aux régions rurales et du « fin fond » de la Russie. A priori rien de guère surprenant sociologiquement. Pour autant quelle alternative sérieuse aux sondages existe-t-il ? Quels sont ces autres moyens qu’évoque sans plus de précision Sergueï Jirnov ? Impossible de ne pas penser, comme très certainement l’ancien espion sans doute toujours « bien renseigné », aux technologies de surveillance, de traçage, de contrôle, de piratage, etc., de données et d’informations produites ou laissées sur les réseaux numériques (internet en premier lieu) que l’on regroupe sous le terme Big Data. Des moyens dont disposent, en dépit des disparités, les services de renseignements russes ou étrangers. Les sondeurs s’y intéressent depuis longtemps et commencent à y avoir recours sans s’en vanter bruyamment [2]. Ce n’est certainement pas, uniquement du moins, par attachement aux valeurs démocratiques qu’ils prétendent incarner.