Pour Terra Nova, les classes moyennes doivent être la cible privilégiée, plus faciles à toucher que les classes populaires qui auraient durablement basculé à droite et dont les valeurs culturelles ne seraient plus, de toute façon, celle de la gauche et du PS en particulier.
Pour François Kalfon et Laurent Baumel, l’effort du PS doit se porter surtout vers les classes populaires qui « croient en la valeur travail » mais sont touchées par la précarisation et la paupérisation, ainsi que vers les personnes âgées qui ont voté massivement pour Nicolas Sarkozy en 2007.
Au delà de ces divergences et de la controverse suscitée par les propos de Terra Nova (cf. Nouvelobs.com 17 mai 2011), ces deux rapports partagent la même conception politique de « l’entrepreneur en élections » (Moisei Ostrogorski). Un entrepreneur en quête d’électeurs ou tout aussi bien de clients. Les études de marché truffées de sondages d’opinion sont censées permettre d’identifier le ou les segments porteurs, voire une partie du segment, une niche. Avec les mêmes figures rhétoriques que le marketing. Comment s’en étonnerait-on ? L’un des deux présidents du groupe de travail de Terra Nova est un des dirigeants de l’entreprise de sondage OpinionWay. Quant à L’équation gagnante, elle est publiée par deux professionnels de la communication. François Kalfon, après un passage chez Euro-RSCG, est depuis décembre 2010 directeur de la communication d’Altedia, entreprise de conseil en ressources humaines.
Ces deux rapports de marketing marquent bien le reflux de la politique quand les programmes procèdent moins de visions du bien commun dont il faut convaincre les électeurs que de stratégies de conquêtes des voix conformément à la description que Max Weber faisait des partis américains du spoil system, il y a un siècle : « des partis, sans aucune base doctrinale, simples appareils à briguer des postes, s’opposent les uns aux autres et fabriquent pour chaque campagne électorale un programme en fonction des chances électorales » [1].