observatoire des sondages

Sondeur et entrepreneur politique : le cas G. Peltier

lundi 9 juin 2014

L’un des "débats" quotidiens organisés par I>Tele a pris, le 4 juin 2014, une tournure inédite. L’animateur ne pouvait éviter d’interroger l’un des deux débatteurs, Guillaume Peltier, sur la perquisition qui avait eu lieu la veille à son domicile. Curieux mélange des genres où un « éditorialiste » est à la fois commentateur, dirigeant politique (de l’UMP), chef d’entreprise (gérant de COM1 +) [1] et justiciable. Les frontières dans les activités sociales sont au principe même du droit et c’est une responsabilité grave pour une chaîne de télévision de contribuer à ces positions dangereuses pour les mœurs démocratiques. Il est vrai que la chaîne d’info, concurrente directe de BFM-TV, reçoit aussi Guillaume Peltier comme invité régulier (à l’instar d’ailleurs de son contradicteur du jour, François Kalfon, quant à lui, Délégué national aux études d’opinion au PS). Un pont d’or pour un jeune entrepreneur politique qui vient du FN, membre dirigeant de l’UMP favorable à un positionnement « plus à droite » et de Nicolas Sarkozy. De quels puissants soutiens bénéficie-t-il pour que des médias le promeuvent dans la confusion des rôles ? Ainsi Guillaume Peltier en appelle-t-il régulièrement à la relève par une nouvelle génération politique (la sienne), à un nouveau langage et à une politique régénérée qui s’occuperait des vrais problèmes des Français. Pour ce qui est du langage, le jeune UMP ne se distingue guère de ses aînés sinon par une langue de bois (déjà) bien rodée. Pour ce qui est de la vertu, le doute vient d’être cruellement instillé.

Guillaume Peltier eut donc l’occasion de donner sa version des faits. Il fait confiance à la justice et demande donc d’attendre. Il n’a commis aucune faute. La mairie de Menton aurait fait appel à ses services (sa société COM1 +), pour réaliser des sondages sans appel d’offres grâce à la division de la prestation en deux contrats inférieurs à la limite légale de 15 000 euros. Guillaume Peltier explique donc qu’il a sous-traité à l’Ifop (avec lequel il travaille en partenariat depuis plusieurs années et co-édite la Lettre de l’opinion [2]) et a effectué sa propre prestation pour un montant de 2000 euros. Qu’une commune UMP commande à la société d’un dirigeant UMP un sondage qu’elle n’est pas capable de faire et que ce dirigeant UMP commande à un sondeur connu sans que la mairie de Menton ait eu l’idée de s’adresser directement à celui-ci ne serait donc que très normal ?

Par son montage mais non sa taille, l’affaire ressemble étrangement à celle des sondages de l’Elysée où Patrick Buisson, conseiller de Nicolas Sarkozy, commandait des sondages à Opinionway en prenant une confortable commission de 52 %, alors qu’il était rémunéré par ailleurs par l’Elysée, sans qu’on puisse expliquer le rapport entre cette commission et les feuilles de papier griffonnées qui étaient censées être son analyse. Sauf à l’expliquer comme le prix de la violation de la loi. En l’occurrence, Publifact puis Publiopinion, servaient d’interface entre le commanditaire du sondage, en fait l’Elysée, et la publication du sondage par Le Figaro. Les sondages signés Opinionway-Le Figaro étaient payés par l’Elysée et non Le Figaro. Publifact ne figurait pas non plus sur la fiche signalétique. Il n’est pas besoin d’exciper de la proximité de Guillaume Peltier avec Patrick Buisson pour imaginer une influence. La communication est depuis longtemps un moyen du financement politique illicite. L’affaire de l’Elysée en était un exemple au cœur de l’Etat mais les collectivités locales y ont souvent participé. Cinq ans après sa découverte, la première est en cours d’instruction. Cela nous laisse du temps.

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[1Société de conseils en relations publiques et communication

[2« (...) la Lettre de l’opinion, en partenariat avec l’Ifop, a décrypté les vingt dernières élections partielles qui se sont déroulées depuis les élections régionales », Ifop, Focus n°22 : Avril - juillet 2010, 20 juillet 2010. Voir également Petit sondage entre soi : le droit de grève selon l’Ifop ; Complément au portrait d’un spin doctor (Le Monde).

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