observatoire des sondages

Il faut reconnaître de l’obstination aux sénateurs Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli. Après avoir échoué en 2011 à faire adopter une réforme de la loi sur les sondages, ils ont réussi (avec la complicité du député René Dosière) à faire inclure des amendements dans la proposition de loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections (J. O., 5 avril 2016). Adoptée le 5 avril 2016, cette loi comporte quelques modifications reprises du texte de 2011 voté au Sénat (proposition de loi Portelli) puis recalé à l’Assemblée nationale sur veto du Président Nicolas Sarkozy.

Cette fois, malgré des manœuvres pour réduire la portée de ces nouvelles dispositions l’exécutif n’a rien pu faire pour s’y opposer. La remarque de Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux et principal responsable de la proposition de loi comme ancien Président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, avertissant d’un éventuel recours devant la Cour européenne des droits l’Homme suscitait un réponse ironique de Jean-Pierre Sueur : « Imposer que l’on connaisse le commanditaire d’un sondage, le payeur ou la marge d’erreur porte-t-il atteinte aux droits de l’homme ? » (L’opinion, 1 avril 2016, Le Canard Enchaîné, 6 avril 2016). Les sondeurs ne se sont pas exprimés publiquement...mais on sait qu’ils ont portes ouvertes dans les palais nationaux.

Que change le nouveau dispositif ? Il s’applique aux sondages électoraux dans la lignée de la loi de 1977. Par contre il donne une définition du terme sondage en instituant des sanctions contre l’usage du terme aux différentes consultations n’ayant pas les critères de représentativité. Il reprend l’exigence de publication des « marges d’erreur » que des sondeurs publient déjà sous l’appellation plus sophistiquée de « marge d’incertitude » ou encore « intervalle de confiance ». Il élargit les indications que les sondeurs doivent donner à la commission des sondages. Ainsi, le nombre de refus de répondre et de non réponses à chacune des questions ou encore les noms des commanditaires et des payeurs réels. L’affaire des sondages de l’Elysée a montré que cela n’était pas inutile. Autre changement significatif, la nature et la valeur de la gratification aux sondés sera indiquée s’il y a lieu, c’est-à-dire pour les sondages en ligne. Enfin, il oblige les sondeurs à communiquer les redressements appliqués aux résultats bruts des intentions de votes et leurs critères d’élaboration. Conséquence logique : le droit de toute personne à consulter ces données à la commission des sondages et sur son site internet ainsi que sur celui des sondeurs.

Fini donc le secret industriel que le Conseil d’Etat avait, non sans ridicule, opposé à la demande de transparence. Les pouvoirs de sanction de la commission sont renforcés. Il demeure au moins une incertitude : alors que la commission des sondages avait été sévèrement jugée par la commission sénatoriale Portelli-Sueur en 2011, comment peut-elle faire face à un renforcement de son contrôle et pourquoi serait-elle plus rigoureuse après avoir montré tant de « compréhension » pour les sondeurs tout au long de son histoire ? Ces questions des moyens matériels et de composition restent en suspens.

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