Patrick Champagne avait su concilier une double identité de disciple de Pierre Bourdieu, comme il l’assumait avec simplicité et modestie, et de penseur original. Il fut sans doute le plus proche du sociologue qui inspira la discipline jusqu’à sa mort en 2002. On lui doit un travail énorme pour la revue Actes de la Recherche en sciences sociales et la publication posthume des cours au Collège de France.
Cette continuité est un symbole fort d’une fidélité jamais démentie. A cet égard, il a illustré la noblesse du disciple contre cette vision héroïque du créateur incréé qui imprègne encore les sciences sociales en dépit de la critique amplement instruite de cette illusion. Nous sommes hissés sur les épaules de géant, assurait déjà Newton. Il appartient à tous et même aux meilleurs de poursuivre la tâche sans se prendre pour les grands hommes consacrés par les sirènes médiatiques. Il fallait ce retour réflexif sur le monde intellectuel pour mener les travaux de sociologue des médias comme le fit Patrick Champagne, étudiant à la fois la profession journalistique [1] , les rapports entre information et mobilisation [2] L’influence de ces travaux sur les pairs et les générations d’étudiants ne saurait être trop soulignée. En sociologie, en science politique, en sciences de l’information et en écoles de journalisme, puisque son travail ne s’alignait pas sur des frontières disciplinaires, Patrick Champagne a été amplement cité, discuté et apprécié. Ses articles sur les sondages publiés dans Actes de la Recherche figurent parmi ces publications semi confidentielles qui font plus progresser la connaissance que la plupart des livres aujourd’hui publiés [3]. Dans la distinction subtile de Patrick Champagne, il cultivait une distance moqueuse au bling, fut il scientifique. Membre depuis sa création du comité scientifique, l’observatoire des sondages perd un ami précieux [4] après et un inspirateur revendiqué.