Il n’est certes pas nécessaire de posséder une solide formation scientifique pour comprendre qu’un sondage d’intentions de vote à un faux scrutin, par exemple un an après le vrai (pour Elabe), ou quatre ans avant (pour l’Ifop [2]) est, au mieux, un artefact, puisque des sondés issus de panels dont les qualités sont de plus en plus ouvertement contestés (enfin) par des statisticiens [3] acceptent malgré tout de répondre à des questions qui ne se posent pas. Plantu, dessinateur « vedette » du quotidien Le Monde pendant de longues années, était quant à lui moins prosaïque quant il s’agissait de qualifier ce genre de produit sondagier (cf. son blog toujours en ligne en accès libre).
Les sempiternels « rapports de force politique à un instant T » évoqués comme prétexte à ce déni de réalité sont tout aussi faux puisque que les paramètres initiaux (scrutin, date, candidats, candidatures, etc.) sur lesquels ils reposent sont faux. Last but not least aucune vérification empirique ne viendra donner la moindre substance aux résultats annoncés. On a connu imposture moins caractérisée.
Les sondeurs semblent assumer comme disent les politiques pris en faute ou au dépourvu, autrement dit ils s’en moquent. Reste bien sûr que ces intentions de vote frelatées n’ont pas été concoctées par accident ou désœuvrement. La réforme des retraites voulue par E. Macron ponctuée ici et là de commentaires pousse-au-crime et de mensonges a non seulement provoqué d’importantes et parfois violentes manifestations de rue mais ravivé l’hostilité d’une partie de la population à l’égard de sa propre personne.
Si les compétences scientifiques des sondeurs laissent sérieusement à désirer, ils sont également comme le concédait encore récemment le directeur général délégué d’Ipsos des conseillers en manipulation politique (spin doctors en anglais) [4]. En spéculant sur une impossible victoire de Marine Le Pen face à E. Macron si la présidentielle avait « dimanche prochain », ou sur son remplaçant à l’issue de la prochaine présidentielle (ou en cas de présidentielle anticipée) le travail « d’influenceur » des marchands d’arme politique - pour reprendre un mot à la mode mais qui colle à merveille au travail de sape que la doxosophie exerce sur la vie politique française déjà mal en point - donne déjà des signes de vigueur. Ce n’est pas une bonne nouvelle, une de plus.