On n’a que l’embarras du choix pour voir concrètement ce que la presse fait des sondages à moins que ce ne soit ce que les sondages font à la presse.
Titre de l’article : La taxe carbone fait chuter la popularité du président de la République (Le Monde, 23 septembre 2009)
Comment le journaliste le sait-il ? Démonstration en trois temps.
Selon un sondage réalisé par l’Ifop pour le Journal du dimanche, le Président perd 6 points en un mois. Explication du sondeur : « cette chute est clairement liée à la taxe carbone ». Preuve ? « les sondés nous disent…. ». Cela devrait signifier que le sondage a été accompagné d’un « quali » où d’autres personnes ont participé à un entretien car le sondage cité ne peut donner ce genre de renseignement. On n’en saura pas plus.
Deuxième temps : le journaliste vérifie par une contre-expertise… auprès d’un sondeur. Le politologue de CSA doute. Pour lui, les cotes de popularité baissent quand le Président se tait. Pas gentil mais conforme à ce qu’on sait des baromètres de popularité : plus la personnalité apparaît dans les médias, plus elle monte et inversement. Bref, ces baromètres enregistrent l’écho d’un bruit médiatique. Pas de quoi en tirer grand-chose. Dans une activité qui ne produit guère de vraies connaissances, c’est une des moins solides.
Troisième temps : on apprend que « l’Elysée et l’UMP […] ont commandé leurs propres sondages…. ». C’est une information. L’instrument est-il de mauvaise qualité, on en commande plus. C’est la stratégie du sapeur Camembert ou du soldat Schweik appliquée aux sondages : plus les sondages sont insignifiants, plus il faut en faire. Ou encore, on parvient à l’exactitude en additionnant les erreurs. Qui est « on » ? L’Elysée, l’UMP, Publifact, et enfin le contribuable français qui finance cette campagne électorale permanente.
A la fin, qui mettrait en doute le titre ? Comme le disent les journalistes pour justifier leur usage des sondages : « c’est une information comme une autre".