L’addiction journalistique aux sondages d’opinion se mesure à la présence des sondeurs sur les plateaux ou dans les colonnes des journaux et aux citations fréquentes de leurs chiffres. Elle est aussi entretenue d’une manière invisible par les communiqués de presse régulièrement envoyés par les sondeurs. Service gratuit, sans utilité sinon celle de paraître entretenir l’addiction.
Exemple :
Retour des Français sur le résultat et les conséquences de l’élection présidentielle
Sondage Harris Interactive pour LCP
Paris, le 17 septembre 2012 - A la demande de La Chaîne Parlementaire, Harris Interactive a réalisé un sondage sur le regard rétrospectif que portent les Français sur les quatre premiers mois de la présidence de François Hollande : les Français se montrent-ils satisfaits de l’action du Président de la République par rapport à celle qui aurait pu être exercée par Nicolas Sarkozy ? Quelles propositions émises dans le cadre de la campagne souhaiteraient-ils voir davantage représentées dans l’action de l’exécutif ?
Que retenir de cette enquête ?
Plus de quatre Français sur dix (44%) jugent que l’action du Président de la République aurait été meilleure si Nicolas Sarkozy avait été réélu.
A l’inverse, seul un Français sur quatre (26%) estime que l’actuel Président de la République conduit une meilleure politique que ce qu’aurait fait son prédécesseur. et cette opinion est partagée par deux sympathisants de Gauche sur trois (63%)
les électeurs de François Hollande au second tour semblent assumer leur choix quatre mois plus tard : 90% d’entre eux indiquent qu’ils ne regrettent pas leur vote.
Près d’un Français sur deux estime que François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault devraient davantage prendre en compte dans leur politique les propositions émises par Nicolas Sarkozy au cours de la dernière campagne présidentielle - cette attente étant particulièrement prégnante parmi les sympathisants de Droite (90%). Notons également que 39% des Français souhaitent que celles exprimées par Marine Le Pen au cours de la campagne soient davantage prises en compte par l’exécutif.
On peut se demander quel intérêt ont ces questions pour la Chaîne parlementaire. La lecture des résultats conforte le scepticisme. Apprend-on que 44 % auraient préféré la politique de Nicolas Sarkozy qu’on peut penser retrouver ses électeurs. Apprend-on que 90 % des électeurs de François Hollande ne regrettent pas leur vote quelques mois plus tard, et l’on est rassuré sur leur consistance. De même, devrait-on s’étonner que près d’un sondé sur deux estime que le gouvernement devrait s’inspirer plus des propositions de Nicolas Sarkozy et 39 % de Marine Le Pen alors qu’on sait que ce sont les électeurs de droite qui le disent ? Et qu’apprend-on en découvrant que 26 % seulement estiment que le président actuel conduit une meilleure politique que son prédécesseur (dont 2 sympathisants socialistes sur 3), sinon que le mécontentement s’exprime plus probablement que son contraire dans un sondage qui n’engage à rien.
Dans un sondage en ligne, il faut une motivation spéciale pour être volontaire. Les sondeurs affirment que l’incitation politique à répondre est corrigée par l’incitation financière. Jamais prouvé et difficile à faire. Il semble plutôt que cela ajoute aux opinions préétablies les opinions immédiates à faible degré de réalité. Propice au mélange du sens des réponses qui rendaient les cohabitations populaires aux sondés. Cela n’a pas empêché d’en supprimer la possibilité par une réforme constitutionnelle. En somme, un nouvel et ordinaire artefact de sondeurs. Il reste toutefois un mystère épais auquel il faut des outils scientifiques pour répondre : comment peut-on croire à ces sornettes ?