Après la décision allemande de fermer progressivement ses centrales nucléaires, conséquence de la catastrophe de Fukushima, un sondage Ifop par internet publié dans le Jdd du 4 juin 2011 indique qu’une très forte majorité de sondés sont favorables à l’arrêt du programme nucléaire français (77% contre 22%). Une partie de la presse a opté pour un titre de Une présentant synthétiquement les résultats (cf. Reuters, Le Point, l’Express, etc., 4 juin 2011), avec l’addition des 15% de sondés favorables à une sortie rapide du nucléaire et des 62% favorables à une sortie progressive. Par contre, l’Agence France Presse reprise par certains médias (cf. par exemple 20Minutes ou Stratégie) n’a retenu « que » les sondés favorables à une sortie progressive. Lemonde.fr et l’usinenouvelle.com livrent une arithmétique curieuse en assurant que six Français sur 10 souhaitent sortir du nucléaire. 77% cela fait trois quart. Et s’il s’agit de ne retenir que les 62 %, il est pour le moins étonnant d’enlever les plus radicaux du total des sondés hostiles au nucléaire [1].
Quoiqu’il en soit, ces résultats sont satisfaisants pour le commanditaire, le parti Europe Ecologie-les Verts qui a les a publiés le jour de son congrès national (cf. Le Monde 4 juin 2011). Que les sondages d’opinion soient une ressource dans les luttes politiques relève de l’évidence, rien de surprenant donc à ce qu’une organisation politique use des mêmes armes que ses adversaires pour tenter de légitimer ses positions. Quelques jours après la catastrophe de Fukushima, TNS Sofres avait truqué un sondage pour le compte d’EDF permettant à l’entreprise publique d’affirmer que « 55% des Français étaient favorables au nucléaire ». Le parti écologique avait alors « rétorqué » en publiant le jour même les résultats opposés d’un sondage par internet réalisé pour son propre compte par l’Ifop (cf. Nucléaire : comment TNS Sofrès truque son sondage).
Cette forme du débat politique est rarement aussi directe : sondages contre sondages. Sans doute les adversaires sont-ils de force financière très différente. On peut s’attendre à la voir prospérer grâce à la baisse des coûts permise par les sondages en ligne. La qualité est faible mais qui s’en préoccupe ? C’est de bonne guerre.