observatoire des sondages

Le bouffon et la vox populi : Stéphane Guillon, France Inter et le ministre

jeudi 25 mars 2010

Ni le mot « opinion », ni celui de « sondage » n’ont été prononcés mais c’est bien de cela qu’il s’agit, pour condamner le bouffon Stéphane Guillon. L’humoriste de la matinale de France Inter a eu le tort de se moquer d’un ministre hargneux, habitué des plaintes en diffamation et des menaces. A propos, où en est sa plainte contre le député Christophe Cambadélis qui l’avait comparé au « collabo » Pierre Laval ? Le ministre de l’immigration a donc protesté contre l’humoriste qui le traitait de taupe du FN au gouvernement et en faisait une description physique appropriée. Il paraît que c’est de mauvais goût. Le président de Radio France a présenté ses excuses au ministre. On sait que l’humoriste est peu apprécié par « l’actionnaire principal » selon un autre dirigeant de la radio publique tout aussi proche de la présidence. De là à virer le bouffon… L’envie ne manque pas mais comment faire ?

Un journaliste du Point vient de suggérer la voie. Forcément démocratique puisqu’il s’agit d’en appeler au peuple. Emmanuel Berretta signe en effet un bref article éloquent : France Inter – « Les auditeurs ne suivent plus Stéphane Guillon » (Le Point, 24 mars 2010) :

« C’est une alerte sérieuse pour Stéphane Guillon ! France Inter a, pour la première fois, enregistré une majorité de mails hostiles à la chronique de l’humoriste à la suite de son attaque contre Eric Besson. Selon une note interne du service des auditeurs dont Le Point a eu connaissance, sur 442 courriels reçus par la station, 54 % sont hostiles à Guillon, tandis que 46 % lui sont favorables ». Où veut en venir le journaliste ? Considérer un billet satirique comme une attaque ad hominem indique l’hostilité ad hominem au bouffon. L’objectif est d’ailleurs clairement énoncé : « Bref, on sent les troupes quelque peu gênées aux entournures, obligées de s’enrôler dans la défense de la liberté de ton derrière une bannière guillonesque qui présente quelques tâches peu ragoûtantes »…

Le journaliste n’aime pas Stéphane Guillon, c’est son droit. Est-ce le sien de se transformer en « agence d’exécution », selon le concept utilisé par les sociologues pour désigner ceux qui agissent ou portent le message pour d’autres. On sait qu’une bonne partie des informations médiatiques proviennent de cette origine mais, quand il s’agit d’avoir la peau de quelqu’un, la tâche est-elle si « ragoûtante » ? « Bref », comme dirait Emmanuel Berretta, l’information venue du service des auditeurs de France Inter, une fuite en somme, avait sa contrepartie, un article pour faire savoir que Stéphane Guillon était désavoué par ses auditeurs. Ses auditeurs ? Une majorité… c’est-à-dire le public selon les conventions démocratiques. Ses auditeurs ? 54 % de 442 courriels. En clair, 248 personnes n’ont pas aimé le billet de l’humoriste. Et l’ont écrit. Certains ont regretté selon des formules modérées, d’autres ont demandé qu’il se modère, d’autres qu’il se taise, d’autres qu’il soit mis à la porte et gageons que d’autres ont même exigé sa mise à mort. A la porte ! A mort ! Cela a bien des airs de jeux du cirque où les gladiateurs vaincus demandaient leur grâce (missio) à l’organisateur des jeux (editor) qui se tournait vers le peuple romain pour entendre la clameur. Pour Stéphane Guillon, le pouce sera-t-il levé ou baissé ?
On imagine la généralisation de cette vox populi. Si on l’applique aux bouffons après des propos offensant quelqu’un ou quelqu’une, il faudra renoncer à cette activité. Et à bien d’autres. Soumettra-t-on aux voix le maintien des dirigeants politiques après chacune de leur intervention ? Qui pourrait avoir l’idée saugrenue d’organiser une campagne de courriels pour virer Emmanuel Berretta ?

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