Deux sondages SNUipp-CSA sur les enseignants, publiés en juillet 2010 et février 2011 [1], commentés par un directeur d’études d’Opinionway, cela mérite qu’on s’étonne. Voila pourtant ce que présente le journal Le Monde du 9 juin 2011 dans deux pages consacrées à la crise du recrutement dans l’enseignement. Si une profession intellectuelle dont font partie des chercheurs spécialistes de l’éducation et des professions recoure aux services d’un sondeur, on tient le symptôme d’un grand mal, pas seulement la sondomanie mais le vide intellectuel. Qu’un journaliste ait besoin d’un sondeur pour parler pour l’opinion, cela est déjà connu. En l’occurrence, les poncifs de la doxosophie se suivent : « le message qui traîne dans l’opinion publique », « aujourd’hui, [les savoirs] sont partagés, et l’accès très rapide (sic) de tous à la connaissance porte atteinte à son statut et à sa reconnaissance sociale », « l’opinion publique a conscience ». Le degré zéro de la pensée en somme érigée en expertise.
On se demande ce qui a justifié l’appel à un sondeur autre que celui qui a fait le sondage comme le veut la coutume. Le sondeur est-il le petit copain de la journaliste ? Ou bien l’entreprise Opinionway, proche de l’UMP, est-elle plus fréquentable ? Une réflexion cependant après ce dossier : on peut recommander à tous les acteurs de changer de métier ou de ne pas y entrer. Le conseil est d’autant plus sérieux que la dernière page du journal est toute entière consacrée à la publicité de la campagne de l’Education nationale pour recruter 17000 personnes. La traduction directe de la crise des vocations en somme. D’un côté, le ministère s’applique à déconsidérer une profession ; de l’autre, il essaie de corriger par la publicité. Moins d’argent pour l’école, plus pour la publicité. Après tout, on ne devrait pas s’en étonner quand le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, est un ancien chef de produit chez l’Oréal. Mais aujourd’hui, qui est encore sensible à l’absurdité ?