Comme dans toutes les campagnes électorales, d’autant plus qu’elles durent et se tendent, les critiques, pour ne pas dire les insultes (en meetings électoraux) ont fusé contre les médias. Peut-on s’en tenir à l’explication selon laquelle les esprits s’échaufferaient et donc seraient injustes ? C’est à peu près l’explication donnée avant même le jour du scrutin par Laurent Joffrin, directeur de Nouvel Observateur avec son « Haro sur les journalistes » [1]. Merveilleux de simplicité et de bonne conscience : « La présidentielle aura été marquée par de violents réquisitoires anti-médias. A tort, puisque ces derniers ont réalisé un travail remarquable ».
Si le propos peut se justifier en conférence de rédaction ou à la fête de Nouvel an devant un parterre de « collaborateurs » qu’un patron veut motiver - « vous avez tous été formidables » - est-ce digne d’une analyse journalistique que de publier un satisfecit qui clôt d’avance tout examen ? On comprend bien que Laurent Joffrin déteste la critique, forcément malveillante, et feint d’ignorer qu’il en est de plusieurs sortes, de partiales mais aussi de scientifiques. Et même les critiques les plus partisanes auront-elles posé quelques questions. Est-il possible d’affirmer par exemple que les journalistes sont de gauche comme l’a fait le candidat sortant, et ses partisans après lui, alors même qu’il est facile de constater que les dirigeants des médias (propriétaires et patrons nommés par le pouvoir) sont de droite. Une énigme.