observatoire des sondages

Sonder pour les élections législatives

lundi 4 juin 2012

Il n’y a pas de raison pour que les candidats des élections législatives n’investissent pas les mêmes attentes dans les sondages que les candidats de l’élection présidentielle. A échelle réduite ?

La tentation du push poll, ces sondages plus ou moins biaisés, effectués pour avantager un(e) candidat(e), est en effet présente et multipliée par le nombre de candidatures, au moins de ceux qui peuvent s’offrir ou se faire offrir un sondage, mais la taille des populations sondables est réduite. Un problème de prix et de démographie. Or, les lois statistiques ne supportent pas l’exception au principe de représentativité. Pour une circonscription, il faut un échantillon aussi important que pour une nation. La multiplicité des élections risque de faire perdre de vue les exigences élémentaires de la méthode.

Un sondage Opinionway-Fiducial-Le Figaro (1er juin 2012) vient de mettre, avec d’autres [1], l’accent sur la dérive prévisible . Effectué sur 552 personnes interrogées par téléphone, c’est un exploit à l’échelle d’une circonscription quand on sait qu’il faut lancer plus de 10 fois plus d’appels pour obtenir cet effectif de 552, soit s’adresser à plus de 6000 électeurs. Au fait, combien y a-t-il d’électeurs dans la 2e circonscription de l’Aisne ? Sur cet échantillon, le sondeur obtient les intentions de vote de 452 personnes. Bien entendu, cet échantillon est insuffisant d’autant plus que la marge d’erreur est tout simplement sous estimée, le sondeur l’évalue entre 2 et 4% (elle est de 2,5 à 3 % pour 1000 personnes, indication très sommaire du point de vue technique). Dans un deuxième tour, opposant le candidat UMP Xavier Bertrand et la candidate PS Anne Ferreira, le nombre serait de 448 avec toujours la même marge d’erreur (fausse). Cela n’empêche pas Le Figaro de titrer que le candidat UMP l’emporterait : « Aisne : Bertrand gagnerait même en cas de triangulaire » (Le Figaro, 1 juin 2012), c’est-à-dire de maintien de la candidature du candidat FN Yannick Lejeune. On devine aisément l’intention performative du push poll qui est de jouer un effet bandwaggon, c’est-à-dire de rallier à la victoire prévue. En termes méthodologiques, le sondage concerné au vu des données publiées ne permet pas cette conclusion.

Au-delà des remarques virtuelles d’une commission des sondages qui n’a pas encore semblé préoccupée par ces dérives, il reste un problème plus général. Apparemment, la règle légale est respectée qui indique les réalisateurs et commanditaires du sondage. Pourtant la trilogie Opinionway – Fiducial – Le Figaro n’est pas exactement une source neutre. Qui a payé ? On se souvient que le Figaro publiait les sondages effectués pour l’Elysée et le faisait gratuitement, contrairement à ce qu’affirmait son directeur qui n’a pas été beaucoup interrogé sur ce point. Pourquoi en irait-il différemment ? Pourquoi la société Fiducial, dont le patron Christian Latouche est notoirement proche de l’UMP, investit-elle dans les sondages Opinionway comme elle le fait aussi avec l’Ifop ? Cela pose au moins une question de transparence. Quant à titrer comme le fait Le Figaro à partir de résultats qui ne le permettent pas, nous nous trouvons face à un délit de diffusion de fausses nouvelles prévues par l’article 90.1 du code électoral (cf. par exemple Opiniongate : l’enquête continue ; et Primaires à gauche et à droite : les fausses nouvelles du Nouvel Observateur et de LH2).


[1Cf. par exemple Jean-Luc Mélenchon contre Marine Le Pen : encore un sondage qui fâche ; Le sort de François Bayrou selon OpinionWay et le Figaro ; ou encore le sondage CSA-Association de soutien électoral de Thierry Solère (lenouvelobs.com, 4 juin 2012).

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