observatoire des sondages

Une intoxication politique estivale : Marine Le Pen vs Nicolas Sarkozy

vendredi 1er août 2014

Le calendrier électoral ne suffit pas aux medias et sondeurs tant les enquêtes d’intentions de votes plusieurs années avant les échéances réelles se sont multipliées en moins d’une décennie. Cette fois, c’est Marianne (1 août 2014) qui place à la une un sondage de l’Ifop "anticipant" l’élection présidentielle de 2017. Comme le stipule le questionnaire : "si dimanche prochain avait lieu le premier tour de l’élection présidentielle pour lequel des candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez". Si donc... les sondés placent Marine Le Pen en tête avec 26%, devant Nicolas Sarkozy 25%, tous les autres candidats, notamment celui PS, sont distancés, François Hollande crédité de 17%, comme Manuel Valls (17%), et Arnaud Montebourg de 10%. Une marche de plus dans le sensationnel, la précédente édition de ce type de sondage ne donnait que l’élimination des candidats de gauche mais plaçait Nicolas Sarkozy en tête.

L’Ifop a réussi la "performance” de trouver des sondés au cœur de l’été, la pire période aux dires des professionnels, mais il est vrai que les choses sont devenues plus faciles avec les sondages en ligne. Peu importe si les sondés débusqués sont payés (comme tout sondage par internet), de quoi satisfaire les plus désœuvrés, et le questionnaire suffisamment biaisé, pour mobiliser les plus radicaux ou les moins avisés. Comme Harris Interactive il y a 3 ans pour annoncer Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle de 2012 (cf. Brèves remarques sur le sondage Harris Interactive qui a défrayé la chronique), l’Ifop a manipulé l’offre des candidats proposés. A droite si l’on excepte Marine Le Pen, seule l’hypothèse Nicolas Sarkozy est retenue, qui plus est avec l’étiquette UMP. Pourquoi ? Difficile de ne voir dans ce choix faisant fi des obstacles politiques (au sein de l’UMP par exemple) et judiciaires qui attendent l’ex-président de la République d’ici 2017, qu’une précipitation mal maitrisée. Même chose à gauche où les multiples candidatures proposées (PS, EELV, FG, LO, NPA) nullement acquises, permettent arithmétiquement de réduire les chances de présence au second tour. Même les hypothèses du candidat officiel du PS semblent pour le moins discutables.

Cette petite entourloupe a cependant bien fonctionné puisque la presse a largement repris cette "fausse information" à l’image du Parisien qui annonce presque jubilatoire : "C’est la première fois que la présidente du Front national est en tête des intentions de vote au premier tour d’une élection présidentielle" (Le Parisien, 31 juillet 2014). Quand l’appétence pour le sensationnel le dispute à l’incompétence intellectuelle. Le quotidien ne se souvient même plus qu’il avait fait le même type d’annonce le 6 mars 2011 à propos du sondage truqué d’Harris Interactive qu’il venait de publier et qui créditait alors Marine Le Pen de 23% devant Nicolas Sarkozy et Martine Aubry (21%). Trois ans, c’est assez loin pour oublier, mais trois ans, c’est aussi assez pour annoncer.

Lire aussi