observatoire des sondages

Conjectures et fausses nouvelles : Marine Le Pen à 30% ou la liberté de la presse selon Marianne

vendredi 30 janvier 2015

Les attentats du début l’année 2015 n’ont pas produit tous les résultats escomptés par Marine Le Pen. L’Ifop et Marianne se sont entendus le jeudi 29 janvier pour panser cette petite blessure narcissique. L’hebdomadaire consacre en effet Marine Le Pen en Une de son édition de la semaine : « Marine Le Pen à 30% au présidentielle de 2017 ». C’est la deuxième fois en six mois que Marianne « nous fait le coup » (cf. Une intoxication politique estivale : Marine Le Pen vs Nicolas Sarkozy). Car il s’agit bien d’un coup, publicitaire, éditorial et politique. Un coup de bluff, en somme. Comme lorsqu’on n’a rien à dire, les sondages constituent le recours idéal et peu couteux, pour remplir ces colonnes. Encore mieux si les résultats sont « sensationnels ».

Ce nouveau sondage est tout aussi biaisé que le précédent. Pour ne rien dire des biais inhérents à son mode d’administration (par internet) et à la rémunération des sondés (cf. Sondages en ligne : où est le problème ? OpinionGate (5)), aucun sondage ne peut à une date aussi éloignée du scrutin être considéré comme sérieux. L’offre, par exemple, de candidats proposée est virtuelle : rien ne dit que Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou, François Hollande, Nicolas Sarkozy, etc, seront candidats. L’Ifop propose également plusieurs hypothèses de second tour. Ce n’est plus une simulation d’élection mais un jeu d’hypothèses qui en s’additionnant déréalise encore la situation de sondage. Petite déception pour Marine Le Pen, elle serait battue dans tous les cas retenus, à savoir par François Hollande, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls ou Alain Juppé. Sauf que, biais supplémentaire, les hypothèses de duels de second tour ne tiennent pas compte des résultats du premier. Les recommandations de la commission des sondages sont oubliées depuis longtemps. Comment l’Ifop peut-elle tabler sur une victoire de François Hollande face à Marine Le pen si celui-ci ne passe en aucun cas, le cap du premier tour ?

La réponse est peut-être à trouver dans le commentaire de 20Minutes : « Ce n’est pas parce qu’il reste deux ans et demi avant la présidentielle de 2017 qu’il ne faut pas déjà s’y intéresser » (20Minutes, 29 janvier 2015). Et s’y intéresser c’est « bien sûr » se perdre en conjectures sur la base de sondages biaisés. A la rédaction de Marianne, s’y intéresser, c’est souvent s’instaurer procureur, comment en atteste son « À qui la faute ? » en exergue du score de Marine Le Pen.

Un pompier pyromane, ou un procureur, qui aurait fabriqué des preuves en somme.

- NB : Nous suggérons aux responsables des rédactions de presse en général, car Marianne n’est qu’un cas parmi bien d’autres, de faire à la manière des historiens des recherches sur les précédents scrutins dans leurs archives, de déterrer les nombreux articles et commentaires qui ont accompagné les non moins nombreux sondages afin qu’ils puissent se rendre compte qu’il n’en reste RIEN... des illusions.

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