observatoire des sondages

E. Zemmour : « les sondages dans la Constitution »

jeudi 6 janvier 2022

Le journaliste d’extrême droite Eric Zemmour s’est plaint sur Europe 1 des difficultés qu’il rencontre pour obtenir les parrainages nécessaires à l’officialisation de sa candidature à l’élection présidentielle (Europe 1 , 6 janvier 2022). Accusant l’ancien Président de la République François Hollande d’être en partie responsable de ses déboires (comme celui d’autres candidats) pour avoir supprimer l’anonymat des parrainages, il voit dans les sondages un moyen « démocratique » d’y remédier. Rien que ça.

En finir avec le contrôle du Conseil constitutionnel, la loi organique de 1976, les signatures et les parrainages quels qu’ils soient, les investitures devraient être automatiquement accordées en fonction du résultat des sondages. Tel est le désir d’Eric Zemmour : "Donner les signatures à tous les candidats qui atteignent un certain pourcentage dans les sondages".

Juste retour des choses finalement. Ne leur doit-il pas une part importante de sa notoriété ? Pour l’heure il en appelle au fraîchement élu président LR de l’Association des Maires de France, David Lisnard, pour faire pression sur les édiles municipaux afin obtenir, conformément à ses volontés, leurs signatures.

- "Je lui propose de demander aux maires de faire un pool de signatures et de donner les signatures à tous les candidats qui sont au minimum, je ne sais pas, à 5 ou 8% dans les sondages, c’est lui qui décidera. Je pense que ce serait une mesure démocratique et je ne parle pas seulement pour moi" .

Quelqu’un l’a dit enfin. Le journaliste exprime ainsi tout haut ce que les sondeurs et leurs contempteurs pensent tout bas depuis longtemps. Ne se vivent-ils pas comme acteurs par essence (à défaut d’en être fondateurs ?) de la démocratie moderne accusant encore récemment la critique des sondages d’être une barbarie à l’image de celle des nazis (cf. Brice Teinturier, L’Opinion, 28 décembre 2021) [1]. Leurs QCM ne participent-ils pas déjà largement à la sélection des candidats ? Si les désirs "démocratiques" d’E. Zemmour devenaient réalité gageons que les sondeurs y verraient consécration logique et méritée de leur profession. Au vu des "qualités" du personnage auraient-ils préféré que ces voeux viennent de quelqu’un d’autre ?


[1Quarante ans après, les critiques des universitaires à l’égard des sondages sont toujours les mêmes, constate-t-il. Bourdieu, au moins, faisait, lui, la différence entre les questions d’opinion et les questions comportementales. » Aux étudiants de Sciences Po, il explique depuis vingt ans comment on fabrique les sondages, pour en faire « des citoyens un tout petit peu plus éclairés ». Lui s’efforce de « construire des ponts méthodologiquement » pour analyser l’opinion et surtout, se dit « imprégné d’une idée : la démocratie est une chose de fragile, la barbarie arrive vite ». Il fait partie de cette génération profondément marquée par la Seconde Guerre mondiale : son grand-père, raflé par les Allemands dans le village de Clermont-en-Argonne, près de Verdun, n’est pas revenu de Bergen-Belsen.

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