Alain Duhamel : monsieur Mitterrand cela fait une heure vingt que nous sommes ensemble nous avons donc chacun (J-P. Elkabbach) une dernière question à vous poser. La mienne c’est celle-ci : il y a actuellement cinq condamnés à mort dans des cellules, je voudrais savoir si vous étiez élu président de la République si vous les gracieriez.
François Mitterrand : pas plus sur cette question que sur les autres je ne cacherais ma pensée. Et je n’ai pas du tout l’intention de mener ce combat à la face du pays en faisant semblant d’être ce que je ne suis pas. Dans ma conscience profonde qui rejoint celle des Eglises, de l’Eglise catholique, les Eglises réformées, la religion juive, la totalité des grandes associations humanitaires, internationales et nationales, dans ma conscience, dans le for de ma conscience : je suis contre la peine de mort. Et je n’ai pas besoin de lire les sondages qui disent le contraire, une opinion majoritaire est pour la peine de mort. Hé bien moi je suis candidat à la présidence de la République et je demande une majorité de suffrages aux Français mais je ne la demande pas dans le secret de ma pensée. Je dis ce que je pense, ce à quoi j’adhère, ce à quoi je crois, ce à quoi se rattachent mes adhésions spirituelles, ma croyance, mon souci de la civilisation : je ne suis pas favorable à la peine de mort
Jean Pierre Elkabbach : donc vous les gracieriez ?
François Mitterrand : je ferais ce que j’aurais à faire dans le cadre d’une loi que j’estime excessive, c’est à dire régalienne, d’un pouvoir excessif donné à un seul homme : disposer de la vie d’un autre, mais ma disposition est celle d’un homme qui ne ferait pas procéder à des exécutions capitales.