« Vu du foie, le vin est bien de l’alcool ! » On pourra trouver étrange l’accroche choisie par ses spécialistes pour leur tribune. De fait elle reprend les termes de la ministre lors de son intervention télévisée : « Zéro différence du point de vue du foie… C’est exactement la même chose de boire du vin, de la bière, de la vodka ou du whisky ». Une lapalissade. Qui nierait sérieusement une telle évidence ? Pourquoi ont-ils choisi le foie plutôt que le cerveau (ou un autre organe), mystère.
Mais le problème, pour l’Observatoire, n’est pas là, mais dans leur « menace » (cela y ressemble) à en appeler à l’« Opinion publique » si rien n’est fait pour protéger la population en générale et les personnes les plus fragiles en particulier.
Un procédé rhétorique maladroit. Menacer d’en appeler à l’opinion tout en s’en réclamant en suivant n’est-ce pas déjà mettre sa « menace » à exécution ? Guère plus subtile que de nier vouloir diaboliser le vin en rappelant juste avant dans la titraille que l’alcool est « la seconde cause de cancers après le tabac ».
Et quelle menace ! Un sondage, vraisemblablement, mais dont on ne saura rien. Autrement dit un chiffre, « sorti de nulle part ». Un premier doute auquel il convient d’en ajouter trois autres.
1- la connaissance du caractère suffisant ou insuffisant de la réglementation sur l’alcool par les sondés. Autrement dit, les sondés sont-ils qualifiés pour évaluer les effets de la législation existante ? Pour la majorité d’entre eux, le doute est permis.
2 - que peut bien valoir un résultat fondé à l’évidence sur des inclinations aussi légitimistes, conformes à la morale sanitaire : protéger la population, protéger les plus faibles, lutter contre l’alcoolisme qui détruit des vies et tue des gens, etc. Face aux enjeux ainsi présentés on pourra même estimer « le chiffre » de ses spécialistes un peu « décevant ». 60% seulement ?
3- quant à la physique de l’« Opinion publique », ces médecins ont semble-t-il quelques lacunes (cf. Qu’est-ce que l’opinion ?). Ce n’est pas un élément naturel, comme l’air, l’eau ou le sang qu’on prélèverait à l’aide d’une seringue. Il parait donc logique qu’ils ignorent également ce que les gouvernements, eux, savent : l’« Opinion publique » n’est pas une force matérielle. On ne la met pas ou jette pas dans les rues, ni dans les urnes. Pour ne rien dire des « vertus curatives » que semblent lui prêter implicitement les signataires de cet appel.
On s’étonnera donc que des esprits rationnels aient pu succombé à de telles sirènes. Rationnels en médecine, il est vrai, pas en politique.