observatoire des sondages

Marine Le Pen au second tour : autopsie d’une désinformation

mardi 27 septembre 2016

Les sondages annoncent avec constance la présence de Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle. Si bien que nul ne semble plus en douter comme d’une certitude. Une certitude qui réjouit tout le monde : Marine Le Pen bien sûr mais aussi tous ses adversaires potentiels qui croient que c’est l’hypothèse qui leur serait la plus favorable, une chance quasi certaine de l’emporter. Peut-on aller à l’encontre d’un tel unanimisme. La certitude arrange en effet si bien tout le monde que l’on a des raisons plus fortes d’en douter. Encore faut-il comprendre pourquoi rien n’est sûr et que peut-être tout le monde se trompe. Et se tourner vers les biais des sondages sur les intentions de vote.

- On ne soulignera jamais assez que si loin d’une échéance, le degré de réalité des réponses est inégal et souvent faible. Non, on ne peut croire que l’élection est demain malgré le conditionnel employé par les questions de sondages.

- Dans les hypothèses soumises à l’attention des sondés, il faut cependant dire que Marine Le Pen est la seule candidate certaine. On confronte donc sa candidature - réelle - à des candidatures hypothétiques. Certaines mêmes totalement improbables. Le choix n’est donc pas symétrique.

- Faute de candidatures certaines, les sondés sont confrontés à plusieurs hypothèses [1]. Il en est de totalement irréelles - par exemple de proposer un choix entre Alain Juppé et François Bayrou quand on sait que le second ne sera pas candidat si le premier l’est [2] mais surtout, il est trop facile de faire arriver quelqu’un en tête en fractionnant l’offre de rivaux. On se souvient que Olivier Besancenot était arrivé en tête grâce à ce procédé il y a quelques années [3]. Evidemment, l’offre peut être fractionnée et favoriser Marine Le Pen mais jusqu’où on ne peut le savoir. Cela n’arrêtera pas "nos" sondeurs.

- Depuis que les sondages se font par internet, les résultats du FN ont toujours été sur-estimés alors qu’ils étaient sous-estimés quand ils se faisaient par téléphone. D’ailleurs, les résultats électoraux du FN n’ont pas encore confirmé les espoirs ou les craintes nourris par les sondages.

- Il faudrait encore considérer que le FN n’est plus le même, qu’il a mené une stratégie de dédiabolisation dont on peut mal mesurer les conséquences. La rivalité à cet égard de Nicolas Sarkozy qui s’efforce de rallier les électeurs du FN pour la primaire de la droite - cela ne gênera pas certains d’entre eux - ne risque-t-il pas de peser sur les prévisions. Car c’est bien de prévisions qu’il s’agit. Les effets performatifs suivront-ils ? N’oublions pas qu’il y a certes des prophéties autocréatrices mais aussi des prophéties autodestructrices. On aurait bien tort de se priver de jouer à ces petits jeux dans une telle situation et quoique ce ne soit pas notre but, il ne nous étonnerait pas du tout que Marine Le Pen ne soit pas qualifiée pour le second tour. En sachant que si cela s’avérait exact, nul ne nous en serait gré tant il faut que la machine à prophétie perdure.


[1Elabe dans un sondage publié le 22 septembre 2016 (Les Echos et Radio classqiue) annonçant « la qualification de Marine le Pen pour le second tour dans tous les cas », n’en propose pas moins de huit, un « record ».

[2Cf. par exemple Ifop-Fiducial-Sud radio-Lyon Capitale, 13 novembre 2015.

[3« Selon notre sondage OpinionWay, le leader de la LCR devance largement Delanoë ou Royal dans l’électorat de gauche. Ce n’est pas la première fois que le très médiatique Olivier Besancenot s’impose en tête des personnalités exprimant le mieux l’opposition à Nicolas Sarkozy ». Le Figaro, 19 juin 2008. A propos du baromètre OpinionWay-Le Figaro-LCI de juin 2008.

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