Hasard du calendrier ? Trois semaines après la clôture, le 30 décembre 2014, de l’instruction judiciaire, ouverte en 2010, sur la vague de suicides de salariés de France Télécom, la direction du groupe, qui a entretemps changé de nom, publiait un sondage CSA qui ne pouvait que la satisfaire : 91% des salariés interrogés affirmaient « être fiers de travailler pour leur entreprise », et 85% la « recommander comme entreprise où il fait bon travailler » (cf. orange.com, 22 janvier 2015). Un commentaire qui fleure bon la rhétorique entrepreneuriale de mobilisation. C’est de bonne guerre.
Impossible cependant d’en savoir plus que le communiqué d’Orange diffusé et repris en boucle par la presse. La notice détaillée de ce « baromètre social » conçu en 2010 par CSA à la demande de l’entreprise autour d’une cinquantaine de questions adressées à 4000 salariés n’a pas été rendue publique (rien non plus sur le site du sondeur). La publicité des affaires a ses limites. Impossible donc de savoir si les 53% de salariés qui déclarent que la « qualité de vie au travail » au sein d’Orange est « meilleure que celle des autres » fournissent des éléments de comparaison, autrement dit s’il s’agit d’une affirmation étayée ou d’une supposition sans fondement. Tout juste sait-on que le questionnaire est anonyme. Il faut néanmoins faire preuve d’une très solide naïveté pour imaginer un instant qu’il s’agit là d’un obstacle insurmontable ou d’une garantie de sincérité des réponses, et de croire que tout ou partie des salariés se prêtant au jeu d’une enquête financée par leur entreprise répond sincèrement aux questions qui leur sont posées. D’autant que « la performance sociale » du groupe, établie notamment à partir de ce baromètre, détermine, comme le reconnait, manifestement sans malice, le directeur général adjoint d’Orange en charge des « ressources humaines » Bruno Mettling, la rémunération (Cf. Les Echos, 15 janvier 2015).