Roland Cayrol est un sondeur et un conseiller politique retraité mais actif qui s’est distingué par une défense constante des sondages. Quoiqu’il s’en défende préventivement en adoptant un ton professoral, et en se faisant filmer sortant de Sciences Po Paris, non sans auto-complaisance, sans être aussi transparent sur ses activités antérieures, le film est une caricature. Documentaire bon marché qui alterne les séquences d’interviews, il consiste en un saucissonnage classique dont la vocation est de donner l’illusion du débat. Il n’y en a pas en réalité.
Tout doit montrer « qu’il n’y a pas de collusion entre sondeurs, médias et politiques », comme l’affirme un des principaux invités, Christophe Barbier, au mépris de la contradiction quand le même parle d’un « couple à trois » et Roland Cayrol d’un « trio ». Mais le démenti définitif réside dans l’architecture du "documentaire" : une succession de morceaux choisis d’interviews menés par l’auteur de trois catégories d’interlocuteurs : les sondeurs, les journalistes, les politiques. Une seule exception : l’universitaire Loïc Blondiaux à la présence et au propos très accessoires qui - ne devait-il pas s’en douter ? – joue le rôle de ce que Lénine appelait un « idiot utile ».
On ne reprochera pas à cette critique d’être antiquantitativiste, elle a compté les occurrences d’apparition de chacune des personnes interviewées :
Roland Cayrol : 7
François Hollande : 7
François Bayrou : 14
Ségolène Royal : 14
Nadine Kosciusko-Morizet : 10
Christophe Barbier : 14
Ruth Elkrieff : 8
Laurence Parisot : 4
Brice Teinturier : 14
Jérôme Jaffré : 5
Emmanuel Rivière : 4
Loïc Blondiaux : 4
En somme, un triangle des accusés de connivence : sondeurs, journalistes et politiques.
Au total 34 apparitions pour les sondeurs (dont Roland Cayrol) ; 21 pour les journalistes et 45 pour les politiques à commencer par le Président de la République. « A tout seigneur tout honneur », comme le dit le sondeur retraité pour justifier l’entrée en matière par un voyage aux Etats-Unis. François Hollande ouvre ainsi la liste des invités français et la ferme par un adage de sondeur dont l’opportunité ne peut échapper à personne : « le vainqueur de novembre n’est jamais le victorieux du mois de mai » conclut-t-il. Un adage de candidat en campagne qui sonne comme un savoureux dicton de grand-mère à la campagne. Il est vrai que l’on peut en même temps assurer la défense des sondages et la promotion d’un Président de la République sortant quand on a fait les deux carrières à la fois comme ne le dévoile pas Roland Cayrol. Sinon en s’avouant un partisan de la défense face aux accusations – pas la critique, mot qu’on n’entendra pas sinon évoquée comme fantasme ou vision conspirative – des politiques chargés à eux seuls de cette position dans le débat sur les sondages. L’aveu de Roland Cayrol est d’ailleurs poignant disant son espoir : « on l’aura compris, nous l’espérons, le sérieux et la probité de la plupart des sondeurs ».