observatoire des sondages

Qu’en pensent les Chinois ?

dimanche 16 février 2020

Le président chinois Xi Jin Pin ferait désormais l’objet de critiques d’une partie de l’opinion publique de son pays pour sa gestion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 apparue début décembre 2019 [1]. C’est du moins ce que prétend le journal Le Monde dans son édition du 14 février 2020. Qu’en est-il concrètement ?

JPEG - 98.5 ko

On connait la définition de « l’opinion publique », sous forme d’autojustification, des sondeurs et de leurs principaux de porte-voix du Cevipof de Sciences-po Paris, interlocuteurs privilégiés du quotidien : c’est ce que mesurent les sondages... sans rire. Ces doxosophes n’étant pas connus pour leur sens de l’humour et moins encore de l’autodérision.

Aucun résultat de sondage ne vient étayer l’affirmation de la une. On peut facilement le comprendre. Sur ce sujet du moins car, rappelons le, contrairement aux multiples allégations fantaisistes et hypocrites de l’Ifop, les sondages ne sont pas l’apanage des démocraties [2]. On fait des sondages en Chine et l’Ifop fait des sondages en Chine, via sa filiale chinoise ChinaInside fondée en 2016 [3]. Pas de sondage mais aucune manifestation de rue non plus. Quelles sont alors les "opinions" rapportées par Le Monde ?

- Celle de l’auteur de l’article, correspondant du journal à Pékin.

- de quelques intellectuels chinois plaidant pour plus de liberté d’expression et du maire de la ville Wuhan (origine de l’épidémie), critiquant l’extrême centralisation des décisions. On imagine sans peine la couleur de leur avenir.

- Des réseaux dits sociaux chinois sans en nommer un seul ni donner le moindre détail. On pense entre autres à WeChat ou Weibo. Même si les inscrits et utilisateurs des dits réseaux se comptent en centaines de millions, on sait également qu’ils sont particulièrement surveillés et que les moyens, ne seraient-ce que technologiques, à disposition de la propagande et la censure sont à la mesure de la détermination, de la férocité et de la paranoïa des dirigeants du pays : très importants.

- De deux spécialistes de la Chine, d’origine chinoise mais actuellement en poste aux Etats-Unis. « De nombreux Chinois soutenaient plutôt le gouvernement pendant la guerre commerciale mais l’opinion publique maintenant est presque unanime contre le gouvernement. C’est quelque chose que je n’ai pas vu depuis 1989 [4]. La crise actuelle est « aussi une manifestation de la panne des structures de gouvernance de la Chine » [5].

- Et de la "Chine" (comprendre bien sûr la propagande et les dirigeants chinois) qui "contribue à améliorer la santé du monde’’ d’autant que "les épidémies trouvent leur origine un peu partout dans le monde". On reconnait bien là l’une des constantes des régimes totalitaires jouant de l’inversion des rôles, des responsabilités... et du sens des mots et du langage [6].

En résumé le diagnostic initial fondé sur des informations approximatives demeure pour le moins hasardeux. Qu’en pensent les Chinois ?


[4Zhao Suisheng, professeur de relations internationales à l’Université de Denver.

[5Xuegang Zhou, professeur de sociologie à l’université de Stanford.

[6Cf. sur ce dernier aspect Victor Klemperer, LTI, la langue du Troisième Reich, Pocket Agora 2003, Georges Orwell, 1984, livre de poche.

Lire aussi

  • Vendredi 13 : les sondeurs reprennent leur « doux commerce »

    20 novembre 2015

    Quatre jours après les attentats de Paris et de Saint-Denis, les sondeurs étaient « de retour » mardi 17 novembre au soir. Ils avaient en effet joué de malchance ce vendredi 13 pour attirer l’attention (...)

  • Sciences-Po : savoir compter

    8 juin 2015

    Le Supplément, émission de Canal Plus (7 juin 2015) reçoit le nouveau et discret directeur de Sciences-Po, Frédéric Mion. Prudent, très prudent.
    Question de l’animatrice Maïtena Biraben : combien (...)

  • Une élection présidentielle à un tour : l’Ifop joue aussi

    3 juin 2015

    En matière électorale, se perdre en conjecture est le passe-temps favori des sondeurs et des commentateurs.
    Pour la prochaine présidentielle, dans deux ans... l’Ifop a accéléré le temps en négligeant (...)