observatoire des sondages

Sondages et simulation : le double « si »

lundi 18 avril 2016

Dans la course à l’élection présidentielle, nous sommes entrés de plain-pied dans la première des trois phases : avant la première, la campagne présidentielle proprement dite avec des candidats déclarés, avant la deuxième, la course aux investitures (centrées sur les primaires), la première phase s’apparente à un jeu de poker menteur dans lesquelles la pression s’exerce sur les candidats potentiels pour les inciter ou les dissuader à se présenter.

Dans ce jeu, le bluff, les déclarations, les prévisions sont de la partie. Les prévisions chiffrées des sondages ont la part belle [1]. Comment pourrait-on se présenter avec des chiffres annonçant la défaite certaine ? Par contre, de bons chiffres ne pourraient-ils pas inciter des politiques qui n’y pensaient pas - à supposer que cela existe - à se présenter. Ces jeux ne sont évidemment pas innocents et reflètent les préférences des joueurs. La presse étant au premier rang, ce sont donc les préférences des journalistes qui s’y engagent, leurs patrons et les payeurs des sondages. Qui sont ces derniers ? On ne le sait pas encore mais la nouvelle réglementation des sondages amènera à le dire. En principe, car on peut déjà imaginer les astuces de contournement (à suivre).

Les joueurs escomptent donc les effets performatifs des sondages soigneusement mis en scène. Certes dira-t-on, ils n’inventent pas les chiffres. Après tout, les mauvais chiffres de François Hollande se répètent inlassablement comme les sondeurs ne manquent pas significativement de le faire savoir en citant les confrères et concurrents, mais cela correspond à d’autres manifestions convergents que chacun rencontre. Sous ce déluge, on peut d’ores et déjà penser que le Président sortant ne se représentera pas. Il a pourtant l’expérience d’un succès électoral de 2012 où il avait commencé à environ 4 % d’intentions de vote (cf. DSK, Hollande : le croisement). Evidemment, il n’y a pas un DSK à chaque élection. Et cette fois... D’ailleurs, à en juger par ses fréquentations, il semble bien, comme toute sa corporation, croire aux sondages. En l’occurrence, cette confiance devrait être très limitée.

En quoi consistent-en effet les jeux de simulations lancés aujourd’hui ? A un double « si ». La question posée est en effet doublement conditionnelle. « Si » les élections avaient lieu dimanche prochain, et « si » vous aviez à choisir entre ces candidats. L’élection a lieu dans un an et nul ne sait entre quels candidats il aura à choisir ; Il faut donc imaginer, jouer à un reality show. Les internautes qui le font sont-ils représentatifs des Français ? Il faudrait pouvoir appliquer la méthode des quotas à des populations filtrées par des caractères politiques, psychiques et même sociaux (compétence, etc.) sur lesquelles nous n’avons aucune donnée. La multiplication des hypothèses offertes à la sagacité des internautes ajoute encore à l’irréalité de ces questions. On est tellement éloigné du réel que ces simulations ne portent pas sur des intentions de vote et ne devraient pas être qualifiées de sondages.


[1Les derniers en date : Odoxa-Dentsu consulting pour BFM/TV, Le Parisien (16 avril 2016), cf. Les sondages empoisonnés ; TNS Sofres- Onepoint pour Le Figaro, LCI, RTL (17 avril 2016).

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