Le push poll vient d’arriver (Ifop-Fiducial-Europe 1-Paris-Match-Public Sénat, 12 mars 2012). Le mardi 13 mars 2012, toute la presse française titre sur le sondage qui annonce que Nicolas Sarkozy est passé devant François Hollande. Effet d’annonce réussi. Commencé dès le jour du meeting de Villepinte, un sondage Ifop donne respectivement 28,5 % à Nicolas Sarkozy et 28 % à François Hollande. Il faudrait une sacrée mauvaise foi pour relever la coïncidence entre ce résultat et le meeting. L’opération était évidemment programmée. Le commentateur de l’Ifop peut parler « d’effet Villepinte » (Frédéric Dabi), en dépit de toute norme d’analyse pour un sondage effectué le jour même et sachant que des événements ne produisent pas d’effets instantanément.
Personne n’a relevé non plus que l’auteur du push poll n’était autre que l’Ifop, devenu, après l’Opiniongate et les problèmes d’Opinionway, trop « repéré », le fournisseur patenté de l’Elysée. On se gardera d’oublier que sa propriétaire Laurence Parisot est présidente du Medef. Que les sondages soient devenus le principal moyen des coups bas de campagne électorale, on ne l’apprend pas aujourd’hui même si cette campagne dépasse largement les précédentes. Si on se demandait benoîtement pourquoi l’Elysée s’est obstinément opposé à la réforme des sondages, on a la réponse. On aurait cependant aimé plus de vigilance méthodologique de la presse française. Il est vrai qu’un peu de suspense est si bon. Qui a été sensible à la fiche technique du sondage ? Or, le sondage a été effectué par téléphone et en ligne les 11 et 12 mars 2012 [1]. Cette méthode mixte est un bricolage qui se prête à toutes les manipulations. Sous le sceau du « secret industriel » d’un sondeur qui fait silence sur ses procédés, il s’agit donc de mêler sondés questionnés par téléphone et internautes volontaires. La mention de la méthode des quotas sur un échantillon spontané est une supercherie. Quelle est la composition sociale et politique du panel de l’Ifop ? Quelle était la rémunération des internautes ? Peu importe ici les chiffres. Qu’en dire d’ailleurs ? Aucun spécialiste sérieux ne succomberait au piège qui consisterait à les prendre au sérieux. Il s’agit ici de relever seulement les procédés déloyaux qui s’immiscent dans la lutte politique. Si on doutait que les sondages dévoyaient la démocratie, on n’a aujourd’hui que l’embarras du choix des évidences.