observatoire des sondages

USA 2020 : « les sondages ne se sont pas trompés »

jeudi 12 novembre 2020

Chaque fois qu’un fiasco sondagier est trop évident, les sondeurs ne font pas profil bas. Ils se multiplient au contraire pour expliquer... qu’ils ne se sont pas trompés, ou pas tant que cela et qu’ils devraient se corriger dans l’avenir. L’élection présidentielle américaine de 2020 n’a pas fait exception. Avec la complicité de certains médias où ils semblent disposer d’un crédit inépuisable. Le Monde n’est pas un journal très marrant. Il suffit de mieux chercher quand il est confronté à un échec qui, étant donné son usage des sondages, est aussi le sien

Les arguments ont-ils varié depuis les précédents échecs ? Un peu car cette fois les sondeurs américains ne semblent pas critiqués dans une comparaison favorable aux sondeurs français. Non, il suffit de faire comme si rien ne s’était passé en continuant sur la même longueur d’onde comme Jérôme Fourquet (Ifop) selon lequel le résultat de Trump n’est pas atteignable par Marine Le Pen. Quant à Emmanuel Rivière (Kantar), il commet une analyse confuse sur les différentes corrélations. Le Monde présente ensuite la « nouvelle » défense unilatérale des sondages : on n’interroge que des sondeurs ou partisans et on commence par minimiser le fiasco (cf. « La difficile mesure du vote populiste par les instituts de sondage » Le Monde, 10 novembre 2020).

Dès la deuxième phrase on apprend que les sondeurs ont bien réussi : « Joe Biden va devenir le 46e président des Etats Unis. Les instituts de sondage l’avaient prédit ». Bien sûr, la vague bleue n’a pas eu lieu. Les sondeurs en ressortiraient « exsangues ». Qu’a cela ne tienne, les arguments classiques refleurissent. Avant le scrutin Ipsos (sondeur affilié au quotidien) avait déjà avertit des progrès fait depuis 2016 par les professionnels du sondage [1]. Cette fois, on nous annonce qu’ils sont condamnés « à travailler en permanence sur leurs outils de correction ». Les pauvres. La cause ou plutôt les coupables ? Les sondés qui biaisent les résultats, vieux sujet de débat (débat que l’on n’aura pas) sur le vote caché. Les populistes qui cachent involontairement ou volontairement leur vote, parce qu’ils changent d’avis au dernier moment ou parce qu’ils votent comme prévu mais pas comme déclaré. On admire la formule imagée « Se lâcher dans les urnes » du politologue médiatique Dominique Reynié [2]. désignant les motivations de ces sondés qui mentent délibérément sur leur vote : « L’électeur antisystème est aussi une sorte de hackers, il veut faire planter le système, il veut casser le modèle. Quelles que soient les idées finalement, son comportement poursuit ce but ». Mais comment le sait-il puisqu’il parle de menteurs ? Cesseraient-ils parfois de mentir ? On imagine l’étape suivante : interdire de mentir pour que les sondages ne se trompent plus. Fantaisiste ? Les méthodes de questionnement par internet sont déjà programmées pour détecter les internautes insincères. Il faut croire que cela ne marche pas totalement.


[1Cf. Mathieu Gallard, Le Monde du 22 octobre 2020.

[2Son piètre score comme tête de liste LR-UDI au scrutin régional de décembre 2015, suivi de l’annulation de son élection par le Conseil d’Etat sont-ils en cause ?

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