observatoire des sondages

Pourquoi les sondages se sont-ils trompés ?

mardi 25 mars 2014

Il a bien fallu se rendre à l’évidence au soir des élections du premier tour des municipales : il y avait des surprises. Il fallait donc que les sondages se soient trompés. Là encore, ils servent la presse utilement puisqu’ils créent du spectacle même si le coup de théâtre est artificiel. Il faut croire que les médias leur en savent gré puisqu’ils ne furent pas sévères. On entendit donc des sondeurs expliquer qu’ils avaient eu raison sur la forte abstention – « applaudissez citoyens », encourageait-on les spectateurs des comédies de Plaute -, qu’ils ne s’étaient pas trompés partout et que de toute façon, un tiers des électeurs faisaient leur choix dans les dernières quarante-huit heures. Personne ne leur fit remarquer que cet argument de la volatilité - puisque c’est de lui qu’il s’agit - oblige à se demander à quoi servent les sondages. Pour ces dernières élections municipales, ils ont été plus nombreux que jamais et ont commencé bien des mois avant l’échéance. A quoi bon ?

Puisque les citoyens restent en mal d’explication, rappelons que l’Observatoire des sondages a recensé les biais statistiques [1]. Une manière de prévenir que les sondages n’étant pas fiables, il y aurait des surprises. Bien entendu, ces biais n’étaient pas seulement statistiques et nous les ayant décortiqués à plusieurs reprises ici et ailleurs. Remarquons simplement qu’une nouvelle fois, les redressements n’ont pas été corrects notamment en ce qui concerne le FN sous estimé comme à l’habitude et, à un degré moindre, l’UMP un peu sous estimé et le PS surestimé plus que d’habitude. Tous les sondés ne sont pas sincères et quand les enquêteurs les interrogent tous ne savent pas encore pour qui ils voteront. Ce ne sont là que les symptômes d’une incompréhension plus profonde de l’évaluation de l’opinion publique. Ainsi, les sondages censurent et comme une bande passante écrêtent les opinions extrêmes, la souffrance et la violence qui ne s’inscrivent pas dans des cases à cocher (QCM) et à l’inverse, l’indifférence et le dégoût. Il faudrait aussi évoquer les pathologies sociales par lesquelles la souffrance sociale s’exprime dans le névrose ou la dépression. On devine combien le sondage est une méthode inappropriée d’interrogation. Il ne reste donc que des opinions moyennes mal évaluées.

En se trompant, les sondages nous trompent. Ce ne serait rien si cette tromperie généralisée n’entraînait que les commentaires erronés des commentateurs et les surprises finales de (presque) tous. Les dirigeants politiques sont aussi dupés. Cela est d’autant plus préjudiciable qu’ils sont de plus en plus éloignés des gens qu’ils sont censés représenter. On n’en finirait pas de citer les propos plus accablants les uns que les autres. Pour n’en retenir qu’un, pas le pire, le Premier ministre a évoqué dans le vote sanction le résultat des « inquiétudes, voire des doutes  ». Il faut être bien éloigné de la misère sociale envahissante pour en rester à ces mots. Or si les élus ne fréquentent plus guère les peuples, par exemple les marchés et les bistrots (sinon en courant), comme les politiciens d’antan, c’est qu’ils bénéficient d’un outil beaucoup plus performant, les sondages et d’un concours bien plus savant, les sondeurs et les conseillers. Qui eux-mêmes ne fréquentent plus grand monde sinon eux-mêmes. On s’étonne souvent de la cécité et de la surdité des gouvernants d’aujourd’hui mais d’hier aussi. La psychologie s’en mêle assez spontanément. C’est à la fois moins simple et plus grave : le phénomène est systémique. Autant dire qu’il est difficile de changer les choses.


[1Cf. notamment les articles de la rubrique Municipales 2014.

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