observatoire des sondages

Eric Zemmour : de l’ivresse au dégrisement

vendredi 25 mars 2022

Gratifié de scores d’intentions de vote généreux avant même sa déclaration de candidature, Eric Zemmour ne cache plus son ressentiment à l’égard des sondeurs et des journalistes. Ce n’est ni le premier candidat, ni le dernier sans doute, qui s’en prend aux sondages dont les résultats ne lui plaisent plus et aux commentaires qu’ils suscitent (cf. Le Monde, 18 mars 2022).

La réponse des sondeurs aux attaques du candidat d’extrême droite, reposant sur l’existence d’un vote caché (ou honteux) et plus généralement d’intentions non « détectées » par les sondages, n’a pas tardé.

Premier argument du candidat l’engouement dont il est l’objet sur les « réseaux sociaux ». Certes surveillés par la presse et les sondeurs ces réseaux seraient, selon lui et ses partisans, représentatifs. Cette popularité pourrait être convertie en intentions de vote. Même les sondeurs, pourtant amateurs de bricolage, n’oseraient raconter de telles calembredaines.

Deuxième argument, un peu moins farfelu : les sondés masqueraient leurs « véritables » intentions de vote en faveur d’Eric Zemmour dont l’image médiatique n’est guère reluisante. Une « théorie » (déjà évoquée par F. Fillon lors de la précédente présidentielle avec le « succès » que l’on sait) sérieusement mise à mal par la généralisation des sondages en ligne (« auto-administrés » en jargon de sondeur). La disparition de l’enquêteur/trice a largement contribué à affaiblir l’inhibition des sondés sur certains sujets « sensibles ». Il n’y a cependant que les sondeurs et leurs agents dans le champ scientifique qui font de cet affaiblissement un gage accru de fiabilité, de sincérité des réponses, et in fine de vérité sortant de la bouche des sondés. « Les enquêtes sont réalisées en ligne et les personnes interrogées n’ont aucun intérêt à donner de fausses indications à un ordinateur » (Mathieu Gallard - Ipsos, Le Point, 24 mars 2022). Sans même parler des panels à la représentativité de plus en plus douteuse, des « trolls » (professionnels ou non) [1], des réponses « irréfléchies » (sous le coup de la colère, du hasard, sans conviction, etc.), comme si les humains même sincères faisaient tout ce qu’ils disent qu’ils feront quand on leur demande...(Cf. par exemple sur ce point : Fiasco sondagier : à qui la faute ? Paroles de sondeurs).

Sauf à faire semblant, Eric Zemmour n’a pas encore compris, ce qui ne serait guère surprenant, que les sondages, tels ceux de Ipsos (Le Monde, 6 octobre 2021 ; 22 octobre 2021), ou Harris Interactive (Challenges, 9 novembre 2021 ; 17 novembre 2021), qui le créditaient de 16%, 19% ou 17%, six mois avant le scrutin, alors qu’il n’était pas candidat, ne pouvaient pas être autre chose que des inepties. Des scores déclarait-il début octobre sur Cnews qui l’encourageaient à se porter candidat (cf. ci-dessous).

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Manière de dire que les sondeurs et la presse sont responsables (et coupables ?), en partie du moins, de son acte de candidature et de sa probable élimination dès le premier tour ? La réponse est dans la question.


[1Cf. Luc Bronner, « Dans la fabrique opaque des sondages », Le Monde, 4 novembre 2021, Julien Colinet, « Sondage : la course de petits chevaux », Topette n° 7, 25 février 2022.

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