Alain Duhamel : Je pense que les sondages ont été très mauvais, qu’ils ont sous estimés l"importance de la dynamique Mélenchon et du coup ils ont un peu obscurci l’esprit des observateurs - dont je fais partie bien entendu - donc je pense, qu’ils ont été désavantagés... que si les gens avaient pensé que la barre des 20% pouvait nettement être dépassée, probablement que la mobilisation supplémentaire qui a eu lieu hier aurait été encore plus importante (Brice Toussaint Live, BFM TV, 11 avril 2022).
« Mauvais sondages »...
Si à l’impossible nul n’est tenu dit-on, difficile de pas rire (au mieux) de sa définition des « mauvais sondages ». Comme d’ailleurs de sa compréhension de la notion, certes fumeuse, de « dynamique » dont usent et abusent les sondeurs pour « expliquer » les évolutions progressives (à la hausse ou à la baisse) des scores sondagiers. Ils seraient donc « coupables » de ne pas avoir assez devancé une progression, « forcément à la hausse ». De ne pas l’avoir « traduite » préventivement dans leurs chiffres avant même que des sondés n’expriment leurs intention et de les avoir réellement enregistrées. On l’aura compris le journaliste reproche aux sondeurs de pas avoir manipulé, encore un peu plus ajouteraient de mauvaises langues, leurs sondages.
« Trafiquer » pour mieux mobiliser
Fautifs à triple titre, les sondages auraient non seulement sous-estimé le candidat de LFI, mais l’auraient empêché d’obtenir un meilleur score que celui obtenu, d’accéder au deuxième tour supprimant du même coup la menace représentée par l’extrême droite avec M. Le Pen. Le trouble de l’esprit dont le « célèbre journaliste » avoue avoir souffert ne semble pas totalement dissipé. On le saura peut-être lors sa prochaine chronique. S’il accuse (par exemple) les sondeurs d’avoir contribué à la ruine (éventuelle) de EELV ou de LR. dont les scores inférieurs « de peu » à 5% interdisent le remboursement des frais de campagne électorale. Si l’on suit « la logique » du journaliste en trafiquant « habilement » leurs chiffres n’auraient-ils pas pu susciter un sursaut de mobilisation électorale salvateur... ou les inciter, comme pour Ch. Taubira, limiter leurs dépenses, voire à jeter l’éponge ?
Avec des si
Plus sérieusement, singulière « logique » et arithmétique mentale, que celles qui au vu du score effectif (a posteriori) de M. Le Pen, 23,1%, considèrent que « le chemin à parcourir » vers le deuxième tour - plus court en « partant » d’intentions de vote à 19% (a fortiori 20 ou 21%) [3] - était presqu’à coup sur facteur de mobilisation en faveur du candidat LFI.
L’évaluation des sondages sur la mobilisation électorale reste toujours un exercice délicat. Les industriels de l’opinion ont cessé enfin de nier si ce n’est l’innocuité du moins leur influence sur la vie politique et les processus électoraux. Cela étant comment dans le cas le présent A. Duhamel peut-il savoir que l’issue du scrutin aurait été changée si les scores sondagiers avaient été « trafiqués » ou disons plus favorables ? Qu’ils auraient obligatoirement suscité un surcroit de mobilisation, qui plus est victorieuse ? Il ne peut pas. Et même si en l’absence de sondages on peut raisonnablement penser que les résultats des scrutins électoraux seraient différents impossible de savoir dans quelle proportion.
Quoi qu’il en soit, s’il s’agissait pour le journaliste de montrer qu’après presque 60 ans de carrière, qui n’en finit pas de durer, ses lacunes étaient intactes en matière de sondages (lui qui en a commentés toute sa vie) et en science politique, c’est réussi.