observatoire des sondages

Fraudes sondagières : à quoi « jouent » les sondeurs ?

samedi 22 juin 2024

A une semaine du premier tour des législatives, certains sondeurs ont fait l’effort de respecter quelques exigences statistiques (la taille des échantillons de sondés qui ont réellement exprimé une intention de vote). Ils persistent néanmoins tous à violer les principes mêmes du scrutin. Autrement dit des efforts « inutiles » sur le fond [1]. Le communiqué de la commission des sondages (18 juin 2024), toujours aussi peu soucieuse de jouer son rôle de gardienne de la sincérité du vote, du respect de la lettre et de l’esprit de la loi de 1977, n’a eu comme c’était prévisible, aucun effet. La presse ne publie toujours pas d’intentions de vote aux législatives mais des contrefaçons. Contrefaçons avec mention spéciale pour Elabe (BFM TV, 22 juin 2024), Odoxa (L’Obs, 21 juin 2024) et Harris interactive (Challenges, M6, RTL, 20 juin 2024). Les motivations de ces multi-récidivistes ne laissent pas d’interroger.

- Questions (ni exclusives ni exhaustives)

- Que cherchent-ils à faire, à obtenir ?

- Pourquoi ne respectent-ils pas ou si peu la plupart les canons acceptés comme tels de la statistique ? (Ne parlons même pas plus généralement des sciences sociales)

- Pourquoi violent-ils allègrement la nature des scrutins électoraux comme les législatives ? Ce n’est certes pas le seul fondement de la démocratie, mais le suffrage universel et ses modalités, sont-ils pour eux si peu précieux, que des « bidouillages » peuvent pour eux faire office de simulation ?

- Pourquoi tiennent-ils à ce point à faire ou dire ce qu’il est impossible de dire ou faire ? Même pour un sondeur ou surtout pour un sondeur ?

- Pourquoi sont-ils aussi peu sensibles aux contrefaçons ou au plus simplement au « travail bien fait » comme on dit communément ?

- Pourquoi s’obstinent-ils à annoncer une Assemblée nationale majoritairement d’extrême droite ?

- Pourquoi les journalistes ne cessent de colporter l’un des plus vieux mensonges de la profession sur le caractère soi-disant non prédictif des sondages d’intention vote ? Alors que la presse en use et abuse notamment à l’approche du scrutin, tels des présages bons ou mauvais, sérieux ou fantaisistes, des promesses de victoire ou de défaite. Alors que les sondeurs jamais avares d’incohérence s’en servent comme argument de vente auprès de leur clients gratuits (les médias) ou des politiciens à qui ils délivrent des conseils. Qu’ils les conçoivent comme une arme à la disposition de leurs clients contre leurs concurrents, adversaires et opposants [2]. (Cf. F. Kalfon, Colloque Sondage et débat électoral, Commission des sondages, Conseil d’État, 19 octobre 2018). Qu’ils ne manquent jamais de s’auto-féliciter quand leurs chiffres coïncident avec les résultats effectifs des scrutins.

Hypothèses (ni exclusives ni exhaustives)

- Parce que leur trajectoire scolaire, notamment universitaire n’a pas été particulièrement éblouissante ? [3].

- Parce que le commerce et la science ne font pas bon ménage ? Que la science, la vérité, ils s’en contrefichent et qu’ils « assument » comme disent pour faire bonne figure les politiciens, ou les « grands patrons », pris en défaut, quand ce n’est pas la main dans le sac ?

- Parce que la commission des sondages composée de hauts magistrats incompétents et/ou indolents ne dit rien ou si peu, et au final ne fait rien pour les dissuader de violer la loi, d’être irresponsable, malhonnête... ?

- Par goût du risque, du challenge, de l’impossible ?

- Par goût pour la société du spectacle ?

- Narcissisme et vanité ? Pour faire parler d’eux et faire les malins sur les plateaux télé (ou ailleurs) qu’ils ne cessent d’écumer (plus encore depuis le stress médiatique provoqué par la dissolution l’Assemblée nationale) ?

- Parce qu’ils fréquentent des « gens importants », qu’ils sont écoutés des puissants, du « pouvoir », des gens de pouvoir et qu’ils en deviennent ivres, à leur tour ?

- Parce que le rôle de faiseur de roi est celui qu’ils goutent le plus ?

- Parce qu’ils veulent à coup de sondages performatifs, tels Odoxa ou Harris interactive attribuant une majorité de sièges au RN, que l’extrême droite réalise son vieux rêve : « gouverner ! » ?

A suivre


[2Les politiques les redoutent également pour cela.

[3Cf. L’Opinion, série d’entretiens-portraits, B. Teinturier (Ipsos), 28 décembre 2021 ; F. Dabi (Ifop) 2 janvier 2022 ; J. Sainte-Marie, 3 janvier 2022

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