Manière de dire que les sondages publiés dans Le Monde lors de cette campagne sont sérieux. Manière de réfuter aussi les critiques qui ne manquent pas d’affluer à la rédaction sur l’appétence pour ne pas dire l’addiction qui caractérise le service politique du quotidien. Un plaidoyer pro domo en même temps qu’une page publicitaire pour les sondeurs. Leurs performances récentes n’ont pas été si bonnes que le soupçon ne s’immisce dans la campagne française.
Mais les courbes sont-elles si probantes ? Certes le commentateur Patrick Roger concède deux exceptions - sur neuf ce n’est pas rien - en l’occurrence 1995 et 2002, « deux scrutins qui ont contredit les sondages » indique un intertitre. On comprend, mais ce n’est significativement pas écrit, que l’erreur est définie par un ordre d’arrivée différent un mois auparavant de l’ordre d’arrivée « réel », constitué par le résultat de l’élection. C’est une définition très laxiste de la justesse. Surtout pour le scrutin le plus facilement accessible aux comptes des sondeurs. Car sont-ils si justes ces pourcentages de 1965 qui « donnaient » 61 % d’intentions de vote à Charles de Gaulle alors qu’il allait obtenir seulement 44, 65 % des suffrages, 25 % à François Mitterrand qui allait en obtenir 31,72, ou 7 % à Jean Lecanuet qui allait obtenir 15,57 % des suffrages. Encore quelques exemples avec Alain Poher en 1969 qui crédité de 35 % un mois avant se retrouvait avec un score de 23,31 %, ou encore avec Jacques Chaban Delmas parti un mois avant avec 27,5 % et « arrivé » avec 15,11 %. Des broutilles sans doute.
D’où viennent ces intentions de vote. De moyennes de sondages depuis 1974. Curieuse opération statistique où il suffit donc de brasser les sondages pour avoir des résultats plus justes. Même s’ils sont individuellement loin du résultat la vérité serait dans la synthèse. Une opération qui annonce les « big data » : il faut mélanger. Si on était aussi étranger qu’un Persan ou un Huron, on demanderait à quoi servent ces opérations coûteuses pour savoir un résultat un mois à l’avance - quelle impatience ! - enfin s’il n’y a pas d’erreur et si cela n’aide pas à en commettre.